Loi Avia : La fin de la liberté d’expression en France ?

Loi Avia : La fin de la liberté d’expression en France ? (étude)

 

Dans un tel contexte de crise sanitaire et économique, l’adoption de la loi Avia par l’Assemblée nationale a créé de vives polémiques en France. Pour de nombreux citoyens, cette décision traduit la « fin de la liberté d’expression » dans le pays.

La France traverse sans aucun doute l’une des plus graves crises sanitaires de son histoire. Le nombre de décès liés au coronavirus dans le pays a dépassé les 28.000 alors que le pays a connu un arrêt brutal de son activité économique, ce qui a provoqué une chute spectaculaire de son PIB au premier trimestre (5,8%), une augmentation considérable (7,1%) des chômeurs en seulement un mois ou encore l'écroulement du marché automobile français de 88,8% en avril.

 

Malgré ce bilan sombre dans le pays, ce qui nécessite un plan d’urgence sanitaire et économique irréprochable de la part du gouvernement, une décision inattendue a davantage assombri le tableau qui se dresse devant les citoyens français : L’Assemblée nationale a adopté le 13 mai la très controversée proposition de loi Avia qui avait été déposée le 20 mars par la députée Laetitia Avia afin de « lutter contre les contenus haineux sur internet ».

Or cette décision est loin de satisfaire l’ensemble de la population française.Elle suscite d'importantes réserves chez les partis d'opposition et les défenseurs des libertés numériques. C'est ainsi que le 18 mai, les sénateurs Les Républicains, emmenés par Bruno Retailleau, ont déposé un recours au Conseil constitutionnel contre la proposition de loi de la Avia.

Une série de mesures liberticides avant la loi Avia

Tout d’abord il convient de préciser que la loi Avia qui représente un recul net des libertés en France n’est que la suite d’une série de mesures liberticides imposées par le gouvernement.

Tout a commencé avec une autre loi tout aussi controversée que laloi Avia, la loi contre la « manipulation de l'information » en période électorale connue aussi sous le nom de « la loi contre les fake news », adoptée à la fin 2018. Sans être mentionnés directement, les médias pro-russes RT ou Sputnik qui ne cessent de croître leur influence en France étaient directement ciblés par cette loi. Le président Emmanuel Macron les avait déjà fustigés lors de la campagne présidentielle de 2017 en les accusant de « répandre des bobards inventés » via des milliers de comptes sur les réseaux sociaux.

Dans le même esprit, pendant la crise sanitaire liée au coronavirus, le gouvernement a mis en ligne sur son site le service controversé «désinfox» déployé pour sélectionner les articles luttant contre des «infox» et autres « fake news » sur le Covid-19 mais l’a retiré quelques jours plus tard face aux réactions des médias. Les citoyens ont également adressé des reproches légitimes au gouvernement en l’accusant de diffuser lui-même des « fake news » depuis le début de la crise sanitaire, sur les vrais chiffres des cas et décès liés au coronavirus, la nécessité de porter un masque ou encore la sous-estimation initiale des risques liés à la pandémie.

Le flou autour du concept de la « haine »

Après avoir analysé l’arrière-plan de la loi Avia qui lui a préparé le terrain, expliquons en quoi cette « loi contre la haine » consiste. Elle prévoit à partir de juillet pour les plateformes et les moteurs de recherche l’obligation de retirer sous 24 heures les contenus « manifestement illicites », sous peine d’être condamnés à des amendes allant jusqu’à 1,25 million d’euros.

La principale ambigüité de cette loi -qui la rend particulièrement dangereuse- concerne la détermination exacte des « contenus haineux ». Or ce n'est pas au juge judiciaire -qui est pourtant le garant, comme le prévoit la Constitution, des libertés individuelles- mais aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) que sera confiée cette mission de supprimer les « contenus haineux » que les utilisateurs leur signaleront. Si « l'injure, la provocation ou l'appel à la haine contre des personnes en raison de leur religion, orientation sexuelle ou origines, la négation et l'apologie des crimes contre l'humanité et le harcèlement sexuel en ligne » constituent les éléments principaux des « contenus haineux », les signalements abusifs des utilisateurs contre certains contenus de nature à déranger leurs intérêts peuvent constituer une atteinte à la liberté d'expression. Et en raison de l'amende astronomique qui pourra s'élever jusqu'à 1,25 million d'euros, les GAFA ne prendront certainement pas le temps de vérifier si les contenus signalés sont véritablement « haineux » ou non et censureront les utilisateurs au maximum afin de sauvegarder leurs intérêts.

Incompréhension et contestation dans les médias et les réseaux sociaux 

Sur RT France, la porte-parole Lydia Guirous des Républicains et essayiste Lydia Guirous, précise que « derrière cette tentative de museler la liberté d’expression, il y a une volonté de réduire les opinions divergentes » et qu'avec la loi Avia « il y a fort à parier que tout ce qui ne sera pas adoubé par la pensée unique, obsédé par la non-stigmatisation et le principe de précaution, sera mis en quarantaine par nos nouveaux censeurs ».

Mettant l’accent sur« l'obsession d'un pouvoir qui est gêné par la liberté », Philippe Bilger, président de l'Institut de la Parole, précise dans son blog, qu'« à force de vouloir, par la loi, purger l'humanité de ce qu'elle a de mauvais, on va détruire ce qu'elle peut avoir de bon dans sa nature ».

Sur le site Atlantico, Anne-Sophie Chazaud, chercheuse au collège doctoral de Philosophie UCLY, souligne que« les outils de censure se sont donc multipliés comme des petits pains sous une ère macronienne qui souffre difficilement la contradiction », ajoutant qu’« il n’appartient pas à un gouvernement de décréter ce qui relèverait d’une Vérité absolue, reléguant de facto tous les autres discours dans le champ de l’illégitimité ».

Sur les réseaux sociaux, les différentes voix s’accordent sur la dangerosité de cette loi en termes de libertés individuelles. Pour les internautes, cette loi contre la haine en ligne n’est qu’«un enfer pavé de bonnes intentions », « une menace mortelle pour la liberté d’expression », « un texte digne de la RDA » ou encore « une censure privée basée sur de simples suspicions ou accusations ».

En conclusion, il est évident que si le Conseil constitutionnel n’invalide pas certaines dispositions de loi Avia lorsqu’il rendra sa décision dans moins d’un mois, la France connaîtra également l’une des plus graves crises de son histoire en termes de libertés individuelles. Après l’oppression des gilets jaunes et même le placement en garde à vue pendant plusieurs heures d’une jeune femme à Toulouse pour avoir mis une banderole « Macronavirus, à quand la fin ? » sur sa maison, des répressions encore plus inconcevables se succèderont dans le pays. La loi Avia est d’autant moins crédible que son auteure, la députée Laeticia Avia (LREM) est « accusée de remarques racistes, sexistes et homophobes » par plusieurs de ses ex-collaborateurs avec des preuves à l’appui.

Espérons donc que dans le pays de « Liberté, Egalité, Fraternité », le principe de liberté ne soit rayé définitivement de la devise républicaine.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard