L'équilibre des pouvoirs en France est-il «une illusion»
- Détails
- Catégorie : Article
- Publication : mercredi 1 août 2018 08:32
- Écrit par Bayard Julien
- Affichages : 4226


«La Vème République repose sur deux piliers : un président élu au suffrage universel direct, et une majorité stable, disciplinée et cohérente à l'Assemblée nationale.»
«La Vème République repose sur deux piliers: un président élu au suffrage universel direct, et une majorité stable, disciplinée et cohérente à l'Assemblée nationale». Mais peut-on pour autant parler d'un pouvoir législatif à la botte de l'exécutif ? Les opposants à la «Vème» ne manquent pas d'arguments: ils relèvent tout d'abord que le gouvernement, censé être soumis au contrôle du Parlement, est en réalité soumis à celui du président. En témoigne la démission du premier ministre Michel Debré en 1962, à la suite de son désaccord avec le général de Gaulle qui veut organiser un référendum pour faire élire le président au suffrage universel. On peut aussi citer le cas de Jacques Chaban Delmas, poussé à la démission en 1972 par le président Pompidou qui n'apprécie pas projet de «Nouvelle société» développé lors de son discours d'investiture en 1969. Plus proche de nous, on peut aussi considérer le départ de Jean-Marc Ayrault à la suite de la débâcle socialiste aux municipales de 2014 comme un limogeage par François Hollande, qui le remplace par Manuel Valls.
Six leçons de communication
«Mais dans la pratique, une grande partie des pouvoirs du président n'existent que grâce à la majorité qui le soutient», nuance. «En cas de cohabitation, le gouvernement reprend tout son pouvoir et détermine seul la politique de la nation.» Cela fut le cas à trois reprises: de 1986 à 1988, lorsque le socialiste François Mitterrand nomma Jacques Chirac (président du RPR) à la tête du gouvernement, après la victoire de la droite aux élections législatives. Puis de 1993 à 1995, lorsque François Mitterrand nomma Edouard Balladur (RPR) ; et entre 1995 et 2002, lorsque Jacques Chirac perdit la majorité en provoquant des élections législatives partielles. il dû confier Matignon au socialiste Lionel Jospin.
«Il est assez logique que les Français donnent au président qu'ils ont élu une majorité confortable pour agir.»
L'hypothèse d'une cohabitation s'est très largement réduite depuis le passage du septennat au quinquennat en 2000, suivi en 2002 d'une inversion du calendrier électoral qui place désormais les élections législatives 30 jours après le scrutin présidentiel. «Dans cette configuration, il est assez logique que les Français donnent au président qu'ils ont élu une majorité confortable pour agir». Emmanuel Macron s'est d'ailleurs personnellement impliqué dans la campagne pour les législatives, appelant à l'élection d'une majorité forte. Mais là encore, cette nouvelle configuration ne rend pas pour autant le président de la République tout puissant. «On l'a vu avec François Hollande, dont l'action a été constamment entravée par les “frondeurs” de sa propre majorité, notamment au moment de la loi travail».
L'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif est donc clairement à la défaveur du premier. Mais donner plus de pouvoir au Parlement sans perdre en efficacité relève de la gageure. «Il y aurait deux moyens d'atténuer l'autorité du président de la République: soit en supprimant l'élection du président de la République au suffrage universel direct, ce qui est inconcevable tant les électeurs y sont profondément attachés. Reste à instaurer une proportionnelle intégrale, pour éviter l'émergence d'une majorité aux commandes du président. Mais l'exemple allemand, où on ne sait toujours pas qui va gouverner près de cinq mois après le scrutin, ne plaide pas en la faveur de ce modèle.» La révision constitutionnelle en cours de préparation prévoit l'instauration d'une dose de proportionnelle, qui pourrait concerner jusqu'à une centaine d'élus. Les concours restent encore flous, mais il semble peu probable qu'Emmanuel Macron prenne le risque de renoncer au fait majoritaire propre à la Vème République.
Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard