Un agent public fait un signalement pénal « article 40 ». Quel juge sera-t-il compétent, ensuite, pour connaître de l’éventuelle responsabilité de l’administration au titre de ce signalement ?

 

Il est fréquent que l’administration voie sa responsabilité administrative engagée faute d’avoir signalé une infraction en dépit des obligations qui sont faites à tout agent public en ce domaine en vertu des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale (voir cependant la relative mansuétude du juge administrative en ce domaine : cf. à titre d’illustration CAA Paris, 3 décembre 2015, n° 14PA02970). De même l’absence de signalement (ou plus précisément un refus de faire un tel signalement) peut-il faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir avec un niveau de contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation (CE, 27 octobre 1999, n° 196306, rec., p. 333).

Il est moins fréquent que l’administration se voie demander des comptes et voie sa responsabilité engagée pour AVOIR fait un tel signalement.

Un arrêt récent en ce domaine (CAA Marseille, 9 janvier 2020, n° 18MA00793) nous donne l’occasion d’aborder ce sujet intéressant. Arrêt que nous avons commenté et dont nous avons donné le texte intégral sur notre blog sanitaire et social :

  • La suspension infondée d’agrément d’un assistant familial ou maternel est-elle de nature à provoquer un préjudice anormal et spécial susceptible d’engager la responsabilité sans faute du département

D’une part, cet arrêt nous donne l’occasion (mais c’est une évidence) de rappeler qu’il faut alors distinguer :

  • La responsabilité (administrative) pour les actes administratifs pris à la suite du signalement et en raison de ceux-ci et qui sont distincts des actes au pénal ou du signalement lui-même (voir par exemple CE, 29 décembre 2000, rec. p. 651, n°197739 202564 202565).
  • La responsabilité au titre du signalement lui-même.

D’autre part, et surtout, cette décision de la CAA de Marseille est l’occasion de rappeler, via un moyen d’ordre public, que la responsabilité pour avoir fait un tel signalement « article 40 » relève en général du juge judiciaire.

En effet, le juge administratif ne saurait connaître de recours indemnitaires pour la faute éventuellement commise par un signalement au titre dudit article 40 du code de procédure pénale (sauf si « l’appréciation de cet avis n’est pas dissociable de celle que peut porter l’autorité judiciaire sur l’acte de poursuite ultérieur »…  ce qui semble porter notamment sur des cas de malveillance) : « sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l’Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; qu’en revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d’éventuelles conséquences dommageables de l’acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en application des dispositions précitées de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République, dès lors que l’appréciation de cet avis n’est pas dissociable de celle que peut porter l’autorité judiciaire sur l’acte de poursuite ultérieur ;

 

Source : Tribunal des conflits, 8 décembre 2014, n° C3974 ; voir auparavant dans le même sens CAA Lyon, 18 janvier 2005, n° 02LY01374 ; mais voir en sens contraire auparavant CAA Nancy, 30 novembre 2006, n° 05NC00618 ; voir aussi implicitement —  car sinon le moyen d’ordre public d’incompétence aurait du être soulevé mais nous connaissons tous la fragilité de tels raisonnements fondés sur l’absence de relevé d’un MOP — CAA Lyon, 22 décembre 2009, n° 07LY02328 et CAA Marseille, 30 janvier 2007, n° 03MA01610).

Ecrit par : J. Bayard