Le Sénat vote une série de dispositions visant à mieux contrôler l’accès public aux décisions de justice

 

 

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Les sénateurs ont adopté le 24 octobre 2017 la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par M. Philippe Bas (LR), président de la commission des Lois au Sénat. Le chapitre II de la loi regroupe une série de mesures visant à « moderniser le service public de la justice en innovant et en maîtrisant la révolution numérique ».

Les articles 6 et 9 concernent plus particulièrement l’ouverture des décisions de justice prévue par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Pour les parlementaires, ladite loi n’apporte pas toutes les garanties nécessaires au respect de la vie privée. En l'état, les enjeux de protection des données personnelles, pour les justiciables mais aussi pour les magistrats ou les avocats, ne semblent pas suffisamment pris en compte. Il serait possible de dresser un profil moyen des jugements rendus par chaque juridiction dans tel ou tel type de contentieux. Il peut en résulter un risque de « forum shopping », c'est-à-dire la faculté pour le justiciable de choisir le tribunal le plus à même de satisfaire sa demande, en fonction de sa jurisprudence.

L’article 6 de la loi prévoit ainsi que « les modalités de la mise à disposition des décisions de justice doivent prévenir tout risque de ré-identification des magistrats, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d'atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions ». Il appartiendra au décret en Conseil d'État prévu par la loi du 7 octobre 2016 d'y veiller concrètement.

Par ailleurs, l’article 9 tend à encourager le développement régulé de l'exploitation des données judiciaires, en particulier ce que certains appellent la « justice prédictive ». Les parlementaires précisent que celle-ci offre au justiciable comme à l'avocat la possibilité d'anticiper statistiquement une solution et de s'appuyer sur cette anticipation pour renoncer à saisir le juge ou s'engager dans un mode alternatif de règlement des litiges. La liberté d'appréciation des magistrats doit rester entière : elle résulte de leur indépendance autant que de la nature même de leur mission, consistant à appliquer la règle de droit à une situation particulière. Le calcul statistique ne peut dicter la solution d'une affaire particulière.

L’article visé dispose que « le Premier président de la Cour de cassation veille à ce que l'exploitation des décisions de justice favorise l'harmonisation des jurisprudences, prévienne le contentieux en matière civile, contribue à améliorer la qualité des décisions de justice et ne porte pas atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions ».

 La proposition de loi a été transmise à l’Assemblée nationale.

26 octobre 2017 - Légipresse N°354