À 140 ans, la loi sur la liberté de la presse « résiste tant bien que mal »

Liberté de la presse : la loi du 29 juillet 1881 a 140 ans

La grande loi encadrant la liberté de la presse a presque un siècle et demi ! C’est une bonne occasion pour se souvenir de sa naissance et de ses principales avancées. Car cette loi, modifiée à plusieurs reprises, constitue encore aujourd’hui le fondement même de notre droit de la presse.

Après la période révolutionnaire marquée par la naissance de très nombreux titres de presse, suivent quelques décennies très peu favorables à la liberté de la presse. Il faudra attendre la IIIe République et 1881 pour que la France se dote enfin de cette loi du 29 juillet qui va définir les libertés et responsabilités de la presse française.

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 avait ouvert la voie en reconnaissant la liberté d’expression. Ce dernier disposait que "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi".

La loi du 29 juillet 1881 va plus loin en imposant un cadre légal à toute publication, ainsi qu’à l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Son article 1 dispose que "l’imprimerie et la librairie sont libres".

Le régime de l'autorisation préalable et du cautionnement sont abolis, ce qui supprime la censure préalable et réduit les charges qui pèsent sur les éditeurs de presse.

La loi sera modifiée à plusieurs reprises. Elle n’en reste pas moins considérée comme le texte juridique fondateur de la liberté de la presse en France, celle qui favorisera l’essor de la presse grâce à un régime plus libéral.

Votée sous la IIIe République, la loi qui encadre la liberté de la presse mais aussi la liberté d’expression, fête ses 140 ans. Qu’est ce qui fait sa spécificité ?

La loi sur la presse érige le grand principe que l’expression publique doit relever de règles spéciales, et non générales. Cette philosophie a été instaurée en 1881 pour éviter qu’une réglementation trop sévère puisse sanctionner l’expression publique.

Il ne suffit pas d’avoir causé un préjudice pour être sanctionné. À travers sa jurisprudence, la loi de 1881 a précisé de façon stricte les cas constitutifs d’un abus de liberté de la presse, comme l’injure ou la diffamation. En dehors de ces abus, c’est la liberté de la presse qui s’applique. Et le requérant ne dispose que de trois mois pour agir, contre six ans en droit commun.

Qu’en est-il de la loi de 2018 pour lutter contre les fake news ?

Il n’y a eu qu’une seule procédure. C’est une loi dont l’objet est très restreint, qui vise à limiter des tentatives de manipulation du scrutin venant de l’extérieur en période électorale.

→ RELIRE. La loi anti- « fake news » : « son principal défaut, l’inefficacité »

En réalité, je pense que le principal risque pour la loi de 1881 ne réside pas dans ces lois ponctuelles, qui sont des effets d’annonces médiatiques à la portée très limitée en pratique, mais dans la concurrence de tout un corpus de droit découlant de la protection des données personnelles.

Certains estiment que la loi de 1881 ne serait plus adaptée, en raison des réseaux sociaux…

C’est une argumentation fallacieuse, car la difficulté à réguler les réseaux sociaux ne tient pas à la loi liberté de 1881, mais au fait qu’il y a une grande masse de contenus à gérer, et que l’on se heurte la plupart du temps au pseudonymat ou à des contenus postés de l’étranger. En admettant que n’importe qui puisse s’exprimer de façon quasi-anonyme, on a découplé liberté et responsabilité.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard