Le Journaliste et sa conscience : Doit-il tout dire ?

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Il existe dans notre métier des chartes qui rappellent le journaliste à ses devoirs. Elles insistent sur le respect nécessaire de la vérité. Un journaliste, stipulent-elles, ne doit pas user de moyens déloyaux : mensonge, déformation de faits ou de documents, accusations sans preuves. Mais le journaliste doit-il pour autant tout dire ?


Toute vérité est-elle bonne à dire ?

Certes, le journaliste doit faire de la recherche de la vérité son compagnon. Mais la vraie interrogation est : peut-il ou doit-il dire toute la vérité ? Au journaliste, on demandera de mettre en pratique l’hymne du Wassoulou : « Dire la vérité en tout lieu, en tout temps ».

Dans les faits, la vérité passe par le regard ou l’oreille du journaliste. Ce qu’il a entendu, il le recompose, le réinterprète. Forcément, quelque chose se perd en route. Le réel porte l’empreinte du style, et fait l’objet d’une mise en scène. Il s’agit, alors, pour le journaliste de filtrer les informations puisque certaines d’entre elles ne sont pas communicables. C’est la dure réalité à laquelle il est parfois confronté, avec surtout le souci de respecter la vie privée d’autrui. L’information ne doit pas porter atteinte à la dignité des personnes. Car la question que doit se poser le journaliste dans l’intimité de sa conscience est celle de savoir si le droit à l’information est supérieur à l’intime tragédie humaine ? C’est en cela que consiste la déontologie du métier. Dans cet ordre d’idée, l’art de masquer devient de plus en plus une nécessité éthique. C’est l’auto-censure, même si dans la profession ce mot est tabou. Nous pouvons alors soutenir avec Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal « le Monde » que : « tout peut être dit mais pas n’importe quand ni n’importe comment ». Car il est des vérités assurément inutiles, et finalement pernicieuses. Est-il nécessaire, pour les médias, de flatter abusivement les curiosités les plus médiocres ? Il existe également des vérités déplaisantes, blessantes ou traumatisantes. Tout ceci doit passer devant le tribunal de la conscience du journaliste. Le filtre de la conscience

Mais si la déontologie fait de la vérité un impératif essentiel, cela ne doit pas nous faire oublier que le rapport du journaliste avec la vérité n’est pas chose simple. Le temps est d’abord son premier ennemi, il doit faire vite pour rendre compte. Autre danger pour le journaliste, alors que le réel n’a pas fini son déploiement, sa rédaction lui demande de faire un commentaire sur un fait qui n’a pas encore dit son dernier mot. Rendre compte d’une réalité multiforme, c’est cette exigence que l’opinion nous impose.

La conscience est le seul filtre capable de trier ce que le journaliste a vu et compris de ce qu’il dispense à ses lecteurs. Il doit s’interroger en permanence, se méfier de lui-même, d’où la nécessité de prendre du recul, d’échapper aux différentes influences. Il doit être en marge de la foule pour mieux l’observer. Cette mise à l’écart est nécessaire pour avoir un regard serein.

Nous mesurons la lourde responsabilité du journaliste et le rôle central qu’il occupe au sein de la société. Sans la liberté des médias, les autres libertés sont illusoires. C’est pourquoi l’opinion doit prendre toute la mesure des difficultés de la mission des journalistes, pour ne pas les exposer à la critique facile. Souvent des personnes mal intentionnées projettent leurs propres fautes, tares, angoisses sur eux. La presse a bon dos et cela fait souvent l’affaire des imposteurs et des calculateurs sans moral. Aidons –la à courir le beau risque de la vérité, il y va de la santé de la démocratie.

 

 Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard