2024 sera difficile pour les médias d’information

Début décembre, 30 journalistes, universitaires, patrons de médias et leaders philanthropiques de nombreux pays se sont réunis à Ditchley Park, un vieux manoir anglais situé à 100 kilomètres au nord-ouest de Londres. Ils étaient là à l’invitation de la Fondation Ditchley pour discuter des défis auxquels est confronté le « quatrième pouvoir ».

L’année 2024 sera, de l’avis des participants, une année cruciale pour la démocratie. Plus de 70 pays doivent tenir des élections nationales, dont les États-Unis, l’Inde et le Mexique. Dans certains de ces pays, des candidats extrémistes sont en position de force pour l’emporter. « L’une des plus grandes démocraties du monde pourrait devenir une dictature », a fait remarquer l’un d’entre eux, citant la dernière boutade de Donald Trump. Compte tenu des dangers qu’un triomphe de Trump pourrait entraîner pour la démocratie, comment les médias devraient-ils couvrir l’élection présidentielle de 2024 ?

Certains participants estiment qu’il est du devoir de la presse de lutter pour la démocratie : « La première cible des dictateurs est la presse libre. Il faut créer un mouvement en faveur de la démocratie. » D’autres, dont je faisais partie, ont plaidé pour que les journalistes s’en tiennent à une couverture rigoureuse et objective de l’actualité.

« Nous devons nous demander comment nous rendre plus dignes de confiance. Est-ce que le fait de se joindre au cri de guerre pour la démocratie renforce la confiance ? », a demandé la responsable d’une organisation à but non lucratif. Sa réponse était « non ».

Le rôle des médias sera particulièrement important dans la détection de la désinformation, une tâche qui devient de plus en plus difficile. En effet, grâce à l’intelligence artificielle (IA), les faux enregistrements et les fausses vidéos deviennent si sophistiqués qu’il est impossible de les distinguer des authentiques. Il se peut que la supercherie ne puisse être révélée qu’avec l’aide de… l’IA. Le cas récent d’un enregistrement, diffusé sur les médias sociaux deux jours seulement avant les élections nationales en Slovaquie, était présent dans l’esprit de nombreux participants. Sur l’enregistrement, on entend un homme politique de premier plan et une journaliste discuter de la manière de truquer les élections. On a appris par la suite que l’enregistrement avait été manipulé à l’aide de l’IA.

De manière plus générale, l’impact de l’IA sur les salles de rédaction a été abordé. Il s’avère que de nombreux organes de presse utilisent déjà l’IA pour des tâches de base telles que la vérification des faits et des sources, la traduction et la transcription. Les articles dont le format est fixe et répétitif, tels que les résultats sportifs et les données financières des entreprises, peuvent être rédigés par des applications d’IA. Cela signifie-t-il que les journalistes sont une espèce menacée ? La plupart des participants pensent que non, que l’IA pourrait être un outil puissant et utile entre les mains des journalistes, pour l’analyse des données utilisées dans le journalisme d’investigation, par exemple. « Nous devons embrasser la technologie, l’appliquer pour faire fonctionner notre métier », a déclaré un participant.

Un risque plus important pour les salles de rédaction vient du fait que les citoyens des démocraties se méfient plus que jamais des médias d’information. Selon un sondage international de l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme, moins de la moitié (48 %) des personnes interrogées se disent très intéressées par les nouvelles, soit une baisse de 15 points de pourcentage par rapport aux 63 % de 2017. Non seulement moins de personnes consultent les nouvelles dans les médias traditionnels, mais aussi elles s’intéressent à d’autres sortes d’information. Le défi consiste donc à « prouver notre pertinence ».

Reste le problème du modèle économique des médias, gravement perturbé par des plateformes comme Facebook, Google, TikTok, etc. qui se taillent désormais la part du lion dans les recettes publicitaires. Comment les médias traditionnels peuvent-ils survivre sans ces revenus ?

Je retiens de la conférence qu’il n’y a pas un seul nouveau modèle d’entreprise qui sauvera le journalisme, mais plusieurs modèles, en fonction de la nature de chaque média et de son marché. L’un des invités de Ditchley a expliqué comment il avait lancé une société de médias proposant aux citoyens d’une grande ville des informations locales approfondies. Le média en ligne a rapidement attiré un grand nombre d’adeptes, tout en maintenant les dépenses à un niveau peu élevé. « Nous devons aborder les sujets qui intéressent les gens, a-t-il déclaré. Il y a peu de concurrence dans le domaine de l’information locale, de sorte que l’on peut obtenir un retour sur investissement significatif avec un investissement modeste. »

Dans de nombreux pays, les médias comptent sur les organisations philanthropiques pour combler une partie du manque à gagner. En effet, les grandes fondations s’impliquent de plus en plus dans le soutien aux organismes de presse. « Mais la philanthropie ne peut pas être la seule solution », a averti le dirigeant d’une de ces fondations. L’approche canadienne, selon laquelle les gouvernements fédéral et provinciaux subventionnent les médias, semble avoir suscité peu d’intérêt.

2024 sera une année difficile pour la démocratie et la presse libre. Dans de nombreux pays, les journalistes sont attaqués. Selon un bilan publié par Reporters sans frontières à la mi-décembre, 45 journalistes avaient été tués jusque-là en 2023 et 521, détenus. Un nombre bien plus important est victime de campagnes d’intimidation de la part de politiciens sans scrupules. Comment les médias doivent-ils réagir ? L’un des participants à l’évènement de Ditchley a déclaré : « Nous devons résister aux menaces et aux pressions exercées sur nous en faisant notre travail, pas en ripostant. » Des journalistes qui font leur travail, cela semble assez simple. Pourtant, tout le monde s’accorde à dire qu’il sera loin d’être simple de rendre compte de l’actualité au cours de l’année qui commence.

Ecrit par : J. Bayard 

 

La tradition des vœux du Conseil de l'ordre des Journalistes France

C'est vers le milieu du XIXe siècle que la tradition des vœux est apparue en Angleterre, notamment grâce au développement du courrier postal et de la lithographie, avant de se développer peu à peu dans le reste du monde, surtout en Amérique du Nord ou au Japon.

Même si l'envoi d'une carte de vœux se fait toujours, nous utilisons tous désormais les SMS, les emails et les messages sur les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou Instagram pour souhaiter de bonnes fêtes de fin d'année à ses proches.

Présenter ses vœux pour les fêtes est une coutume qui perdure encore aujourd'hui dans la plupart des cultures, mais ce n'est pas facile de se renouveler d'année en année. On a même l'impression d'entendre toujours la même chose : « Bonne année, Bonne santé, parce que c'est important la santé !».

  • "Que l'année 2024 apporte le succès et la prospérité.
  • "Que la nouvelle année soit pleine de projets passionnants, de partenariats fructueux et de réalisations exceptionnelles pour notre entreprise.
  • "Que les défis à venir soient autant de chances pour démontrer notre esprit d'équipe.
  • "Que la collaboration fructueuse que nous avons partagée cette année se renforce davantage en 2024.
  • "Que cette nouvelle année soit aussi bien organisée que les post-it sur mon bureau.
  • "Que 2024 soit l'année où les réunions sont courtes, les cafés sont forts, et les projets sont menés à bien.
  • "Que vos idées soient toujours brillantes, vos cafés toujours chauds, et vos trajets domicile-travail aussi rapides que les mises à jour automatiques de votre logiciel préféré.
  • "Que cette année 2024 soit aussi réussie que le travail du correcteur orthographique de Google.
  • "Que la nouvelle année soit remplie de promotions, de projets passionnants et de pauses déjeuner sans discussions sur le travail.
  • "En cette fin d'année, je souhaite à chacun de nous des succès aussi nombreux que les e-mails dans notre boîte de réception. Bonne année à mes collègues qui gèrent tout avec style et humour !

Souhaiter une bonne année à votre entourage est un beau moment de partage. À une belle fin d'année étincelante et à une année 2024 pleine de promesses ! 

Je souhaite à tous vos adhérents une très bonne et heureuse année 2024.

Quelle vous apporte la joie à vous, vos familles et la réussite professionnelle.

En effet, nous exerçons un métier passionnant et ce, dans des conditions souvent très difficiles.

Le journalisme est un métier qui exige beaucoup de courage et d’investissement personnel.

Je voudrais profiter de ce moment pour saluer une fois de plus notre persévérance et notre volonté inébranlable d’informer le public en respectant totalement, notre charte nationale unique.

Je souhaite que vous puissiez éprouver en 2024 du Bien-être et du plaisir dans vos actions quotidiennes qui contribueront à la réussite du projet collectif qu’ensemble nous mettrons en œuvre  pour les Médias.

Bonne année à vous.

Ecrit par : J. Bayard 

 

 

 

 

Temps forts

La création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est l’aboutissement d’un mouvement de renforcement progressif des exigences de transparence qui incombent aux responsables publics.

Jusqu’en 1988, la lutte contre les atteintes à la probité publique repose essentiellement sur la répression pénale de délits tels que la concussion, la corruption, la prise illégale d’intérêts ou le favoritisme. Ces mécanismes répressifs, bien que dissuasifs, ne sont que peu appliqués.

Les lois relatives à la transparence financière du 11 mars 1988 marquent une première étape vers la mise en place du dispositif actuel. Elles imposent aux membres du Gouvernement et aux principaux élus locaux la transmission d’une déclaration de patrimoine à la Commission pour la transparence financière de la vie politique nouvellement créée. La Commission a pour mission d’apprécier l’évolution du patrimoine des intéressés au cours de l’exercice d’un mandat ou d’une fonction, et le cas échéant, de détecter les enrichissements anormaux. Lorsqu’elle met en évidence une variation de patrimoine inexpliquée, pouvant laisser présumer la commission d’une infraction pénale, elle signale le dossier au procureur de la République compétent.

En 1995, faisant suite aux conclusions du groupe de travail « Politique et argent » constitué en octobre 1994 à l’initiative du président de l’Assemblée nationale, M. Philippe Seguin, qui dressait un état de la législation en France et à l’étranger sur le financement de la vie politique, les obligations déclaratives sont étendues aux dirigeants des principales entreprises publiques, aux représentants français au Parlement européen et aux parlementaires, lesquels déposaient auparavant leurs déclarations auprès du Bureau de leur assemblée. De surcroît, le régime des incompatibilités parlementaires est renforcé, puisqu’est introduit dans le code électoral l’interdiction pour un député ou un sénateur de débuter une activité de conseil qu’il n’exerçait pas avant le début de son mandat (L.O. 146-1).

En avril 2011, le législateur renforce les pouvoirs de la Commission en lui donnant la possibilité de demander la transmission des déclarations faites au titre de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur la fortune. En outre, des sanctions pénales en cas de déclaration mensongère ou incomplète sont édictées.
Malgré ces avancées, les mécanismes de lutte contre les atteintes à la probité publique demeurent limités, en ce qu’ils n’interviennent qu’a posteriori. Par ailleurs, la notion de conflit d’intérêts est absente du droit, les contrôles étant uniquement concentrés sur l’analyse du patrimoine.

C’est dans ce cadre que la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, préconise, dans son rapport rendu en janvier 2011, « l’élaboration d’une politique de prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique ». Elle suggère notamment d’« identifier et traiter les conflits d’intérêts par la mise en place de mécanismes préventifs pour les fonctions qui le requièrent ».

Dans le même sens, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, réaffirme, dans son rapport rendu public le 9 novembre 2012, le principe selon lequel « la prévention des conflits d’intérêts constitue un enjeu essentiel pour conforter la confiance des citoyens dans les institutions ». La Commission propose, pour ce faire, le dépôt d’une déclaration d’intérêts et d’activités qui « devrait être rendue publique », estimant que « la transparence peut en effet contribuer à la prévention des conflits d’intérêts ».

Ces deux rapports préconisent notamment d’introduire dans le droit français une définition précise des conflits d’intérêts, préalable au développement de mécanismes de prévention des conflits d’intérêts. Ils proposent également la création d’une autorité déontologique indépendante aux pouvoirs et aux moyens rénovés.

Les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique reprennent l’essentiel des propositions de ces deux rapports. Elles créent la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, autorité administrative indépendante qui, tout en conservant les prérogatives de l’ancienne Commission qu’elle remplace, voit ses pouvoirs renforcés. Elles donnent notamment à la Haute Autorité la possibilité de solliciter l’administration fiscale pour qu’elle lui communique les informations qu’elle a en sa possession et que cette dernière mette en œuvre, lorsque c’est nécessaire, le droit de communication qu’elle détient en application du livre des procédures fiscales, afin d’obtenir communication de tout document susceptible de lui apporter des informations utiles à son contrôle.

Elles confient également à la Haute Autorité une mission en matière de prévention des conflits d’intérêts. La notion de conflit d’intérêts y est notamment définie pour la première fois comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics et privés qui est de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » et la dote d’un pouvoir d’injonction envers les responsables publics pour faire cesser les situations de conflit d’intérêts et, à titre pédagogique, d’une prérogative d’avis pour prévenir ces situations.

Enfin, le champ des responsables publics concernés est élargi. Outre les élus et les dirigeants d’organismes publics, entrent ainsi dans le dispositif les collaborateurs des cabinets ministériels et du Président de la République ainsi que les membres des autorités administratives indépendantes et les hauts fonctionnaires, titulaires d’emplois à la décision du gouvernement pour lesquels ils ont été nommés en conseil des ministres.

Ecrit par : J. Bayard 

                                                                                                                                                                            

La Cour de justice de la République : une institution contestée

La Cour de justice de la République (CJR) juge les membres du gouvernement pour les actes délictueux ou criminels commis dans l’exercice de leur fonction. Accusée d’être une justice d’exception, sa suppression a été plusieurs fois envisagée.

La Cour de justice de la République (CJR) est accusée d’être une justice d’exception, symbole d’une justice à deux vitesses. Sa création en 1993 avait pourtant pour objectif de réconcilier l’opinion publique avec ses responsables politiques.

Compétences, organisation et procédure

Créée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, la Cour de justice de la République (CJR) est mentionnée aux articles 68-1 et 68-2 dans le titre X de la Constitution (De la responsabilité pénale des membres du gouvernement).

La Cour est compétente pour juger les membres du gouvernement (Premier ministre, ministres, secrétaires d’État) pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Les infractions n’ayant aucun lien avec la conduite de la politique de la nation sont du ressort des juridictions pénales de droit commun.

La composition et le fonctionnement de la Cour ont été fixés par la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

La Cour est composée de quinze juges : douze parlementaires (six élus par l’Assemblée nationale et six élus par le Sénat) et de trois magistrats du siège à la Cour de cassation. Un de ces trois magistrats la préside.

La Cour peut être saisie par toute personne, française ou étrangère, qui s’estime lésée par un crime ou un délit imputé à un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions.

La procédure de saisine comprend trois étapes :

  • La commission des requêtes, composée de sept magistrats issus de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes, décide de l’engagement des poursuites. Ce filtre est mis en place afin que le nouveau droit offert aux particuliers ne devienne pas une arme politique contre l’action gouvernementale. La personne qui se déclare victime saisit la commission des requêtes. Cette dernière décide de la transmission de la plainte au procureur général près la Cour de cassation afin de saisir la Cour de justice de la République. Elle peut, à l’inverse, prononcer le classement de la procédure.
  • Si la plainte est déclarée recevable, la commission d’instruction, composée de trois magistrats de la Cour de cassation, procède aux auditions des personnes se déclarant victimes et des personnes incriminées. Elle décide ou non du renvoi de ces dernières devant la CJR.
  • La formation de jugement, composée de trois magistrats et de douze parlementaires, se prononce à la majorité absolue et à bulletin secret sur la culpabilité du prévenu puis, en cas de culpabilité, sur l’application de la peine infligée. Son arrêt peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, en cas de rejet de ses décisions, la Cour doit être recomposée avant de rejuger l’affaire.

Des ministres et des secrétaires d’État jugés

Depuis sa création, la CJR a prononcé un jugement à l’encontre de huit ministres et deux secrétaires d’État.

En 1999, dans l’affaire du sang contaminé, la CJR a relaxé Laurent Fabius, Premier ministre à l’époque des faits, et Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. Elle a condamné "pour manquement à une obligation de sécurité ou de prudence", tout en le dispensant de peine, Edmond Hervé, secrétaire d’État à la Santé.

En 2000, elle a relaxé Ségolène Royal, ministre de la Famille, poursuivie en diffamation par des enseignants qu’elle avait accusés de couvrir des actes de bizutage.

En 2004, la Cour a condamné, après une instruction de dix ans, Michel Gillibert, secrétaire d’État aux handicapés entre 1988 et 1993, "coupable d’escroquerie au préjudice de l’État", à trois ans d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende ainsi qu’à cinq ans d’interdiction des droits de vote et d’éligibilité.

En avril 2010, la Cour a condamné Charles Pasqua, ministre de l'intérieur à l’époque des faits, à un an de prison avec sursis pour complicité d’abus de biens sociaux et de recel dans l’affaire des détournements de fonds au préjudice de la Sofremi, société d’exportation de matériel de police dépendant du ministère. Il a été blanchi dans les affaires du casino d’Annemasse où il était poursuivi pour corruption passive, et celle de GEC-Alsthom dans laquelle il comparaissait pour complicité et recel d’abus de biens sociaux.

En mai 2011, le procureur général de la Cour de cassation, ayant relevé "de nombreux motifs de suspecter la régularité, voire la légalité du règlement arbitral litigieux pouvant caractériser le délit d’abus d’autorité" a demandé une enquête visant Christine Lagarde, ancienne ministre de l'économie, pour "abus d’autorité" dans l’arbitrage favorable à Bernard Tapie. Le 19 décembre 2016, elle a été reconnue coupable de "négligence", mais dispensée de peine.

En juin 2018, l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, soupçonné d’avoir transmis des informations confidentielles au député des Hauts-de-Seine Thierry Solère sur une enquête pénale le concernant, a été mis en examen pour "violation du secret professionnel". Le 30 septembre 2019, la CJR a condamné Jean-Jacques Urvoas à un mois de prison avec sursis et à une amende de 5000 euros.

En mars 2021, la CJR a relaxé l'ex-Premier ministre Édouard Balladur, qui était poursuivi pour complicité et recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire du financement occulte de sa campagne présidentielle. Elle a en revanche condamné pour complicité dans la même affaire le ministre de la défense de l'époque, François Léotard, à une peine de prison de deux ans avec sursis et à 100 000 euros d'amende.

En novembre 2023, la CJR a relaxé le ministre de la justice, Éric Dupont-Moretti, poursuivi pour prise illégale d'intérêts.

En 1993, la CJR remplace la Haute Cour de justice

Jusqu’à la réforme constitutionnelle de 1993, seul le Parlement avait la faculté d’engager des poursuites à l’encontre des membres du gouvernement devant ce qui s’appelait alors la Haute Cour de justice, composée uniquement de parlementaires élus par chaque assemblée. Cette dernière devant être saisie après le vote d’un texte identique dans les deux assemblées était rarement convoquée.

La création en 1993 de la CJR avait pour objectif de réconcilier l’opinion publique avec ses responsables politiques. L'opinion jugeait  très sévèrement la classe politique qui lui semblait échapper aux règles communes en particulier lors de certaines affaires liées au financement de la vie politique et surtout lors de l’affaire dite "du sang contaminé".

La création de la CJR s’appuie sur les propositions du comité présidé par le doyen Vedel (Comité consultatif pour la révision de la Constitution) institué à l’initiative de François Mitterrand fin 1992. La CJR doit répondre à la nécessité d’établir une définition de la responsabilité pénale des élus et des responsables de l’exécutif dans l’exercice de leurs mandats et de leurs fonctions, tout en faisant en sorte que la justice n’interfère pas sur la politique menée.

Les projets de suppression de la CJR

La légitimité de la CJR est contestée. Selon Cécile Guérin-Bargues, professeure de droit public, ses décisions sont peu convaincantes, les condamnations très faibles, parfois assorties de jugement moraux. De plus, les ministres sont jugés par la CJR mais leurs conseillers par les tribunaux ordinaires, ce qui conduit à une justice à deux vitesses et des jugements peu cohérents.

La suppression de la CJR a été promise par François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012. La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, reprend cette proposition dans son rapport remis en novembre 2012. Le projet de loi constitutionnelle du 14 mars 2013 relatif à la responsabilité juridictionnelle du président de la République et des membres du gouvernement prévoit la suppression de la CJR, "qui constitue un privilège qui n’a plus de raison d’être". Selon ce texte, les ministres devraient être jugés par les juridictions pénales de droit commun, y compris pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, après autorisation préalable de la commission des requêtes. Renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale, le projet de loi a été abandonné.

Dans le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique présenté en conseil des ministres le 28 août 2019, la suppression de la Cour de justice de la République est de nouveau proposée, les ministres devant être jugés par la Cour d’appel de Paris. Ce texte n'a pas été examiné par le Parlement.

Ecrit par : J. Bayard 

 

Un agent public fait un signalement pénal « article 40 ». Quel juge sera-t-il compétent, ensuite, pour connaître de l’éventuelle responsabilité de l’administration au titre de ce signalement ?

 

Il est fréquent que l’administration voie sa responsabilité administrative engagée faute d’avoir signalé une infraction en dépit des obligations qui sont faites à tout agent public en ce domaine en vertu des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale (voir cependant la relative mansuétude du juge administrative en ce domaine : cf. à titre d’illustration CAA Paris, 3 décembre 2015, n° 14PA02970). De même l’absence de signalement (ou plus précisément un refus de faire un tel signalement) peut-il faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir avec un niveau de contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation (CE, 27 octobre 1999, n° 196306, rec., p. 333).

Il est moins fréquent que l’administration se voie demander des comptes et voie sa responsabilité engagée pour AVOIR fait un tel signalement.

Un arrêt récent en ce domaine (CAA Marseille, 9 janvier 2020, n° 18MA00793) nous donne l’occasion d’aborder ce sujet intéressant. Arrêt que nous avons commenté et dont nous avons donné le texte intégral sur notre blog sanitaire et social :

  • La suspension infondée d’agrément d’un assistant familial ou maternel est-elle de nature à provoquer un préjudice anormal et spécial susceptible d’engager la responsabilité sans faute du département

D’une part, cet arrêt nous donne l’occasion (mais c’est une évidence) de rappeler qu’il faut alors distinguer :

  • La responsabilité (administrative) pour les actes administratifs pris à la suite du signalement et en raison de ceux-ci et qui sont distincts des actes au pénal ou du signalement lui-même (voir par exemple CE, 29 décembre 2000, rec. p. 651, n°197739 202564 202565).
  • La responsabilité au titre du signalement lui-même.

D’autre part, et surtout, cette décision de la CAA de Marseille est l’occasion de rappeler, via un moyen d’ordre public, que la responsabilité pour avoir fait un tel signalement « article 40 » relève en général du juge judiciaire.

En effet, le juge administratif ne saurait connaître de recours indemnitaires pour la faute éventuellement commise par un signalement au titre dudit article 40 du code de procédure pénale (sauf si « l’appréciation de cet avis n’est pas dissociable de celle que peut porter l’autorité judiciaire sur l’acte de poursuite ultérieur »…  ce qui semble porter notamment sur des cas de malveillance) : « sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l’Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; qu’en revanche, celle-ci ne saurait connaître de demandes tendant à la réparation d’éventuelles conséquences dommageables de l’acte par lequel une autorité administrative, un officier public ou un fonctionnaire avise, en application des dispositions précitées de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République, dès lors que l’appréciation de cet avis n’est pas dissociable de celle que peut porter l’autorité judiciaire sur l’acte de poursuite ultérieur ;

 

Source : Tribunal des conflits, 8 décembre 2014, n° C3974 ; voir auparavant dans le même sens CAA Lyon, 18 janvier 2005, n° 02LY01374 ; mais voir en sens contraire auparavant CAA Nancy, 30 novembre 2006, n° 05NC00618 ; voir aussi implicitement —  car sinon le moyen d’ordre public d’incompétence aurait du être soulevé mais nous connaissons tous la fragilité de tels raisonnements fondés sur l’absence de relevé d’un MOP — CAA Lyon, 22 décembre 2009, n° 07LY02328 et CAA Marseille, 30 janvier 2007, n° 03MA01610).

Ecrit par : J. Bayard