Le baromètre annuel sur la crédibilité des médias montre que la radio reste le plus plébiscité, devant les journaux, la télé et Internet.

La confiance des Français envers les médias en légère hausse, mais leur traitement de l’épidémie de Covid-19 divise.

La confiance des Français envers les médias a légèrement remonté, mais l’opinion est très partagée quant au traitement médiatique de la pandémie de Covid-19, d’après le trente-quatrième baromètre annuel réalisé par Kantar entre les 7 et 11 janvier, pour le quotidien La Croix, et publié mercredi 27 janvier.

Alors que l’intérêt des Français pour l’actualité a rebondi de huit points, à 67 %, après être tombé l’an dernier à un niveau historiquement bas, la crédibilité des médias se redresse légèrement pour la deuxième année consécutive, après avoir connu son niveau le plus bas absolu en pleine crise des « gilets jaunes », même si elle reste à des niveaux très faibles.

La radio arrive toujours en tête : 52 % des Français, soit deux points de plus que l’an dernier, jugent qu’elle diffuse des nouvelles fidèles à la réalité, devant les journaux (deux points de plus, à 48 %) et la télévision (deux points de plus, à 42 %). Enfin, la crédibilité d’Internet (mesurée depuis 2005) se requinque plus nettement, mais reste encore très basse (cinq points de plus, à 28 %).

« On voit un retour modéré de la confiance accordée par les Français aux médias », a résumé lors d’une conférence de presse Guillaume Caline, de Kantar, pour qui cette timide embellie est sans doute le reflet du travail d’information effectué autour de la pandémie. « Pendant toute cette période, il n’y a pas eu de rupture [de l’activité médiatique], les journalistes ont continué à faire leur travail et à informer, ce qui est essentiel pour le fonctionnement d’une démocratie », a commenté Pascal Ruffenach, président du directoire du groupe Bayard, la maison mère de La Croix.

Interrogations sur le traitement de l’épidémie

Cependant, interrogés sur le traitement par les médias de l’épidémie de Covid-19, les Français se montrent extrêmement partagés : 44 % d’avis positifs contre 43 % d’opinions négatives. Parmi les principaux reproches : le fait d’avoir donné trop d’importance à des non-spécialistes (pour 73 % des sondés) et d’avoir dramatisé les événements (66 %). En outre, 74 % des Français jugent que les médias ont trop parlé du Covid-19.

Neuf Français sur dix pensent, en revanche, avoir été bien informés sur les gestes barrières et le port du masque, et plus de trois sur quatre en ce qui concerne les règles du confinement et du déconfinement. « Ce sondage montre que les médias ont fait une vraie info service de qualité » durant cette crise sanitaire, plébiscitée par le public, a estimé le sociologue des médias Arnaud Mercier.

Mais, pour lui, « il y a un échec d’une partie des médias dans le choix des personnes qui ont été invitées » à la télévision, citant l’exemple de Laurent Toubiana, une des personnalités qui assurait qu’il n’y aurait pas de deuxième vague et qui « a eu table ouverte pendant des jours » sur les plateaux, jusqu’à ce qu’elle se matérialise.

« Pas là pour être pour ou contre »

Autre écueil, selon lui, la question de l’hydroxychloroquine : « Un certain nombre de médias sont tombés dans un travers, avec une confusion entre les désaccords factuels entre scientifiques » et « une polémique de nature politique ».

« On n’est pas là pour être pour ou contre la chloroquine », s’est défendu Adeline François, coprésentatrice de la matinale de BFMTV. « Notre travail de journaliste n’était pas d’être virologues », mais de trouver des spécialistes et de « leur poser les questions qu’il fallait, et se faire le relais des préoccupations des Français », et ce, alors que personne n’avait au début de connaissances fermes sur le nouveau coronavirus.

Estelle Cognacq, directrice de la rédaction de Franceinfo, a relevé, quant à elle, une certaine « ambiguïté » du public : « Les Français trouvent qu’on a trop parlé du Covid, mais ce sont aujourd’hui les sujets qui marchent le mieux, il y a toujours une demande de savoir où on en est au sujet des vaccins », des variants, d’un nouveau confinement, etc. Et quel que soit le sujet abordé, de l’économie au théâtre, en passant par la gastronomie, de toute façon « on retombe toujours sur le Covid », a souligné sa consœur de BFMTV.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

Démocratie et séparation des pouvoirs

 

 

Dans les sociétés démocratiques, il y a une forte séparation entre les pouvoirs. Dans quels buts ?

1. Démocratie et État de droit

a. Qu’est-ce que la démocratie ?

La démocratie est une forme de gouvernement où le pouvoir est donné au peuple. Celui-ci peut l’exercer directement comme sous l’Antiquité à Athènes. Les citoyens étaient tirés au sort pour faire partie de la Boulé et préparer les discussions et les votes sur le forum.
En revanche, ce mode de gouvernement ne peut être appliqué lorsque le peuple est trop nombreux. Les États démocratiques appliquent alors un système indirect où les citoyens élisent des représentants pour un mandat d’une durée définie (démocratie représentative). Par exemple, les élus en France ont un mandat représentatif, ils représentent donc tous les citoyens (et non pas seulement leurs électeurs).

La démocratie est devenue une norme internationale, un idéal partagé, mais elle est pratiquée sous diverses formes et même certains régimes autoritaires se prévalent d’être des démocraties !

b. L’État de droit

L'État de droit est un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. L’État doit faire respecter les règles juridiques et s’y soumettre lui aussi. Ce système permet alors une égalité de tous vis-à-vis de la loi, une limitation du pouvoir de l’État et donc de tentations autoritaires.
Dans un tel système il y a la nécessité de définir une hiérarchie entre les normes juridiques. En France, on trouve au sommet de cette hiérarchie :
- la Constitution (règles liées au fonctionnement de l’État) ;
- les lois et règlements européens qui devancent les lois françaises ;
- les ordonnances, décrets… ;
- les contrats de droit privé entre les individus.

L’État de droit se dote d’institutions qui sont capables de faire respecter ces règles comme une justice indépendante où le conseil constitutionnel est chargé de vérifier la conformité des lois et des décisions publiques vis-à-vis de la Constitution française.

2. Démocratie et séparation des pouvoirs

a. Le principe de séparation des pouvoirs

Montesquieu, dans De l’esprit des lois publié en 1748, déclare qu'« il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Il est considéré comme le père du principe de « séparation des pouvoirs » car pour lui : « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ».

Il faut donc une séparation stricte des pouvoirs pour que chacun puisse surveiller et contrebalancer les autres. Tous les pouvoirs ne doivent pas être réunis chez une même personne ou groupe de personnes sinon le risque est grand qu’ils ne le confisquent et s’en servent à des fins personnelles. Il existe trois grands pouvoirs qui sont censés être indépendants : le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.

b. Une mise en œuvre parfois difficile

Ce principe est difficile à mettre strictement en œuvre. La France est un État qui a une faible séparation des pouvoirs. Au niveau constitutionnel, par exemple, le Président de la République (pouvoir exécutif) peut dissoudre l’Assemblée nationale (pouvoir législatif) et inversement, celle-ci peut voter une motion de censure contre le gouvernement et l’obliger à démissionner. Les pouvoirs ne sont pas alors indépendants l’un de l’autre.

Le chef de l’État reste parfois le chef de la majorité qui siège au Parlement et crée un lien entre pouvoir exécutif et législatif. Certains ministres ont aussi des mandats législatifs (qu’ils abandonnent le temps qu'ils sont au gouvernement) mais cela montre aussi une frontière faible entre les deux pouvoirs.

Enfin l’indépendance de la justice est souvent bien relative. Les magistrats du parquet (procureurs généraux et procureurs notamment) sont nommés par le pouvoir exécutif et n’ont pas de garantie d’inamovibilité comme leurs confrères du siège. Ainsi, ils peuvent être mutés par décision du pouvoir exécutif et sont parfois considérés comme étant soumis aux décisions politiques. Dans certains cas récents, on a pu reprocher à des procureurs de ne pas demander d'instructions sur des « affaires » concernant des hommes politiques en exercice…

L'essentiel :

La France est une démocratie représentative organisée sous forme d’État de droit. Les normes juridiques servent à garantir l’égalité de tous devant la justice. Le pouvoir de l’État doit donc être divisé pour éviter les tentations autoritaires mais ce principe n’est respecté que partiellement.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

 

Vœux 2021 du Conseil de l'ordre des Journalistes France

 

On pensait que le coronavirus nous laisserait tranquille et bien ce n'est pas le cas apparemment.

L'année se termine et la Covid 19 est toujours là !

Que cette nouvelle année soit meilleure que l'année passée et qu'elle nous débarrasse de ce maudit coronavirus.

Je souhaite à tous vos adhérents une très bonne et heureuse année 2021.

Quelle vous apporte la joie à vous, vos familles et la réussite professionnelle.

Vous savez tous l’estime, la considération et le respect que j’ai pour la profession de journaliste.

En effet, nous exerçons un métier passionnant et ce, dans des conditions souvent très difficiles.

Le journalisme est un métier qui exige beaucoup de courage et d’investissement personnel.

Je voudrais profiter de ce moment pour saluer une fois de plus notre persévérance et notre volonté inébranlable d’informer le public en respectant totalement, notre charte nationale unique.

Je souhaite que vous puissiez éprouver en 2021 du Bien-être et du plaisir dans vos actions quotidiennes qui contribueront à la réussite du projet collectif qu’ensemble nous mettrons en œuvre  pour les Medias.

Bonne année à vous

 

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

 

 

Journaux, radios, télévision…

 

La crise du coronavirus, un tournant important pour les médias

Journaux, radios, télévision... Cette crise sanitaire sans précédent peut permettre de refonder la confiance des gens dans les médias.

La crise va-t-elle changer les médias ? L'épidémie de coronavirus qui s'étend à travers le monde est aussi une nouvelle épreuve pour ce secteur qui traversait déjà une crise de confiance inédite. Les citoyens confinés restent partout scotchés à l'information. Dès le début du mois de mars, plus de 90% des Italiens, Japonais et Coréens s'informaient une fois par jour sur les actualités liées au virus, et plus de la moitié plusieurs fois par jour, selon un sondage Edelman réalisé du 6 au 10 mars.

Si les réseaux sociaux ont brisé le quasi-monopole des médias sur l'information, la presse reste centrale: pour s'informer sur le virus, la moitié des Américains continuent de faire confiance aux médias traditionnels, et beaucoup moins aux réseaux sociaux, selon un autre sondage réalisé par l'institut Ipsos à la mi-mars, pour le média Axios. Cette crise pourrait bien être une occasion pour les médias de retrouver la confiance des lecteurs. Et pour les lecteurs confinés de choisir les titres, petits ou grands, auxquels ils accordent leur confiance.

Refonder la confiance dans les médias

«Il n'est pas trop tard pour refonder la confiance des gens dans la science, les autorités publiques et les médias», a plaidé l'historien israélien Yuval Noah Harari dans le Financial Times. «C'est un moment important pour les médias», confirme l'historien Patrick Eveno, président du Conseil français de déontologie journalistique. «D'abord pour montrer qu'ils sont au service du public, avec des infos fiables, en faisant le tri». Non, le coronavirus détecté en Chine n'a pas été créé puis breveté par l'institut Pasteur, a souligné Factuel, le blog de fact-checking de l'AFP. Non, on ne sait pas si la chaleur printanière «tue» littéralement les virus.

«Dans le cadre d'une urgence sanitaire publique, une information fiable et exacte est vitale, et la BBC a un rôle clef a jouer», a souligné sur son antenne Fran Unsworth, la directrice de l'information du média public britannique, qui connaît aussi des records de fréquentation. «Les lecteurs cherchent des analyses supplémentaires, des infos-services et des témoignages», explique de son côté Ricardo Kirschbaum, de Clarín, le quotidien argentin le plus vendu. Le journal a vu exploser la fréquentation de son site, des lecteurs s'y rendant directement, sans passer par les réseaux sociaux. «Ils veulent savoir ce qui se passe dans d'autres pays, comme l'Italie, l'Espagne et la France, que nous couvrons avec nos propres correspondants». Le journal a aussi lancé une newsletter quotidienne avec les infos essentielles sur la pandémie.

Être solidaires et remplir son rôle

«Ce n'est pas une période propice aux scoops, au business as usual», souligne Marina Walker, du Pulitzer Center, une ONG américaine de soutien au journalisme. «Nous sommes tous face au même ennemi: c'est le moment d'être solidaires, de travailler en profondeur, de montrer qu'on écrit pour nos lecteurs et pas pour des agendas politiques ou des intérêts économiques». Le centre Pulitzer soutient financièrement des projets journalistiques qui misent sur la collaboration entre plusieurs rédactions, pour couvrir des aspects oubliés de la crises.

De nombreux médias ont pourtant déjà péché par lenteur au début de la crise, tempère le sociologue italien Edoardo Novelli, de l'université Roma 3. Selon son étude «Infomood» sur les publications de 257 médias européens sur Facebook, réalisée du 1er janvier au 14 mars, les journaux se sont fait largement influencer par leur gouvernement national, qui en Allemagne, France ou au Royaume-Uni, ont sous-estimé la crise à venir. «Ils n'ont pas rempli leur rôle», regrette cet ex-journaliste devenu professeur de communication et de sociologie.

D'autres ont relayé des infox, comme le Daily Mail au Royaume-Uni, avec l'idée que le virus avait été initialement contracté par une personne ayant mangé une soupe de chauve-souris en Chine. Un conte repris par d'autres tabloïds. La crise pourrait, enfin, accélérer une transition en cours : la mort des quotidiens papier. Alors que la France entrait en quarantaine, les ventes de quotidiens en kiosque ont baissé de 24% le lundi 16 et de 31% le mardi 17 mars, selon le distributeur Presstalis. «Des journaux vont périr ou se regrouper, tout dépendra de la longueur du phénomène», souligne l'historien Patrick Eveno. «Mais les médias qui sont considérés comme fiables vont en profiter en multipliant leurs abonnements numériques.»

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

 

La liberté d’expression en France en 2020 dans un drôle d’état

Quel est l’état du droit positif français en matière de liberté d’expression ? Sommes-nous dans l’obligation de censurer certaines prises de position publiques, lorsque ces dernières constitueraient une menace pour l’ordre public, ou bien l’expression de simples opinions n’a-t-elle à connaître aucune limite ?

TOUTE FORME DE CENSURE EST UNE INJURE À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

La liberté d’expression ordinairement reconnue dans les sociétés démocratiques occidentales, telle la société française, donne à tout citoyen le droit de contester le conformisme établi (morale, mœurs, valeurs) ; le droit de dénoncer publiquement les injustices dont il serait le témoin ; de critiquer des pouvoirs établis.

Dans une authentique démocratie, le peuple exerce tous les pouvoirs, ce qui suppose une communauté de citoyens suffisamment responsables, informés et fermés à toute démagogie.

Dans ces conditions, on peut dire avec la philosophe Simone Weil que :

La liberté d’expression totale, illimitée, pour toute opinion quelle qu’elle soit, sans aucune restriction ni réserve, est un besoin absolu pour l’intelligence.

C’est d’ailleurs le principe général reconnu par le droit français.

Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 :

Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière…

Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 :

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 :

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses […] La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement…

Est sanctionné par l’article 431-1 du Code pénal :

Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression… ou le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice de la liberté d’expression… »

Mais l’exception donnant une raison d’être à la règle, le législateur a prévu un nombre certain de limites à la liberté d’expression des opinions, lesquelles ne peuvent être confondues avec la pensée.

COMME TOUTE LIBERTÉ, LA LIBERTÉ D’EXPRESSION N’EST JAMAIS ABSOLUE

Plus de 400 lois et articles des Codes pénal et civil grignotent le principe général posé ci-dessus.

D’ailleurs, l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 limite lui-même l’exercice de cette libertés qui, « comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

De manière générale, tous les textes cités plus haut définissent une limite au principe de la liberté d’expression. En effet, la manifestation de cette liberté ne doit pas troubler « l’ordre public établi par la loi » et l’usage de cette liberté engendre la responsabilité de celui qui en abuse « dans les cas déterminés par la loi ».

Certaines opinions sont prohibées dans leur expression publique, non pas tant en raison de leur vérité ou de leur fausseté qu’en tant qu’elles inciteraient à des actes pénalement répréhensibles.

Ainsi le délit de « provocation publique » à la haine raciale institué par la loi de 1972 a été inséré à l’article 24 alinéa 5 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

L’article R625-7 du Code pénal sanctionne « la provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée […]ainsi que la provocation non publique à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, ou de leur handicap, ainsi que la provocation non publique, à l’égard de ces mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7. »

Lorsqu’elle entre en conflit avec le droit fondamental à la vie privée, la liberté d’expression se voit limitée par l’article 9 du Code civil selon lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée » et l’article 9-1 du même code qui dispose que « chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. »

Le Code pénal protège la vie privée et interdit :

Dans son article 226-8 « le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention. »

Dans son article 226-13 « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire. »

Dans son article 226-15 « le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance » ou encore « d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions. »

L’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse s’intéresse également à la protection de la présomption d’innocence en interdisant lorsque est « réalisée sans l’accord de l’intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire [….] soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d’opinion, ou toute autre consultation, portant sur la culpabilité d’une personne mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale ou sur la peine susceptible d’être prononcée à son encontre ; soit de publier des indications permettant d’avoir accès à des sondages ou consultations visés à l’alinéa précédent. »

De même, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse énumère un certain nombre d’interdictions limitant la liberté d’expression :

L’article 29 stipule que « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation […] Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »

L’article 30 sanctionne « la diffamation commise par l’un des moyens énoncés en l’article 23 envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques… »

L’article 31 punit également « la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’Etat, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition. »

L’article 32 : « La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie […] ou « la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap. »

La liberté d’expression peut être limitée en fonction de l’objet du message ou de la personne à qui le message s’adresse.

Qu’il s’agisse de l’article 227-24 du Code pénal qui interdit « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, […] lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. »

Ou encore l’article 2 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse qui « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques ou sexistes. Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse. »

S’agissant de la fonction de la personne, l’article 433-5 du Code pénal dispose que constituent un outrage « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. Lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique […], lorsqu’il est adressé à une personne chargée d’une mission de service public et que les faits ont été commis à l’intérieur d’un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l’occasion des entrées ou sorties des élèves, aux abords d’un tel établissement. »

L’article 433-5-1 du Code pénal ajoute que le « fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore est puni… »

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse considère dans son article 27 que « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie […] ou lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation. »

Enfin, les articles 38et 39 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse protègent les droits de la défense. Il « est interdit de publier les actes d’accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’ils aient été lus en audience publique […] et de rendre compte des procès en diffamation dans les cas prévus par la loi. Il est pareillement interdit de rendre compte des débats et de publier des pièces de procédures concernant les questions de filiation, actions à fins de subsides, procès en divorce, séparation de corps et nullités de mariage, procès en matière d’avortement… »

EN DÉFINITIVE, SOUS QUELLES LIMITES PEUT-ON S’AUTORISER À TOUT DIRE EN SOCIÉTÉ ?

On ne lutte jamais contre des idées en les interdisant purement et simplement, mais en les réfutant, par une discussion rationnelle, une argumentation appropriée, et l’éducation des ignorants surtout.

Les limitations de la liberté d’expression qui se sont accrues ces dernières années ont ouvert la porte aux complotistes, à un antisémitisme délirant, aux superstitions les plus diffuses par exemple. L’obscurantisme est l’ennemi principal de la liberté d’expression.

La liberté d’expression est un droit

La liberté d’expression est un droit reconnu par la plupart des États modernes démocratiques, au même titre que la liberté de pensée, la liberté de culte ou la liberté d’opinion.

Cela signifie que chacun peut s’exprimer sans craindre d’être persécuté, par autrui ou par l’État. Elle n’est pas seulement une liberté de parole, mais également une liberté de publication : la liberté de la presse, la liberté de création artistique, etc.

Les limites de la liberté d’expression

Comme la liberté de pensée, la liberté d’expression rencontre les limites naturelles de toute faculté humaine. Elle reste fonction de nos capacités intellectuelles de concevoir (entendement), évidemment limitées.

Par ailleurs, la capacité de dire connaît des limites d’ordre psychologique (auto-censure consciente ou inconsciente) ; et des limites liées à la maitrise de la langue, du verbe (éducation, connaissances).

Nous l’avons vu, la liberté d’expression, pour qu’elle soit socialement reconnue, se trouve juridiquement limitée par la loi. Dans toute société prévaut un certain code social autorisant ce qui peut se dire publiquement, interdisant au contraire ce que nous devons garder pour nous, ce que nous pouvons penser au fond de nous, et dont l’expression publique serait au minimum inconvenante pour autrui.

Les sociétés occidentales sont des sociétés universalistes et non communautaristes. Le prétexte culturel ou religieux ne saurait se trouver invoqué.

L’idée d’une liberté d’expression absolue

Liberté signifie l’absence de limites. Comment dès lors limiter une liberté ?

On est pour la liberté d’expression et dans ce cas la liberté est totale (absolue) ou on est favorable à une censure plus ou moins étendue et dans ce cas on est contre la liberté d’expression.

Comment justifier la censure ? Interdire des journaux, des livres, des films, est l’aveu d’une peur et d’une faiblesse. La censure suffit à elle seule à définir une dictature. Les démocraties sont alors soumises à une gymnastique bien souvent hypocrite et pour justifier cette inévitable censure préfèrent la notion d’abus de liberté.

La liberté d’expression ne saurait être absolue, sauf à tout tolérer, mais au contraire relative à la raison comme aux valeurs communément partagées, qui permettent aux individus de vivre ensemble, et aussi de plus en plus à des cultures très différentes les unes des autres, mais souvent contraintes à se juxtaposer dans les faits, de coexister, au moins pacifiquement.

Les différences entre les cultures peuvent bien être respectées, mais en aucune façon le métissage des valeurs qui pourrait nous être imposé.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard