Étude : plus de 4 milliards d’utilisateurs des réseaux sociaux dans le monde

Retrouvez les principaux enseignements de l’étude annuelle menée par Hootsuite et We Are Social, mise à jour avec les chiffres d’octobre 2020.

Le Global Digital Report publié par Hootsuite et We Are Social, qui délivre un état des lieux de l’usage d’Internet et des réseaux sociaux, vient d’être mis à jour avec les chiffres du mois d’octobre 2020. Le rapport montre notamment que le taux de croissance des médias sociaux connaît une forte accélération au 3e trimestre.

Parmi les principaux enseignements, on peut retenir que :

  • le cap des 4 milliards d’utilisateurs mensuels des réseaux sociaux dans le monde a été franchi,
  • le temps passé sur les plateformes sociales est en hausse de 15 %,
  • l’email reste le canal le plus utilisé par les professionnels (92 %), devant les applications de messagerie comme WhatsApp (79 %) et les outils de collaboration comme Slack (73 %),
  • les plateformes Instagram et Snapchat ont fortement augmenté leur nombre de nouveaux utilisateurs au 3e trimestre 2020.

53 % de la population mondiale utilise les réseaux sociaux

La part des utilisateurs des médias sociaux ne cesse d’augmenter : il atteint désormais 4,14 milliards d’individus dans le monde, en hausse de 12,3 % sur un an, ce qui représente un total de 53 % de la population mondiale. Cette nouvelle hausse intervient seulement trois mois après le cap des 50 % de taux de pénétration franchi pour les réseaux sociaux lors du 2e trimestre (51 % pour 3,96 milliards d’utilisateurs en juillet 2020). Selon We are Social et Hootsuite, il s’agit de la plus forte augmentation trimestrielle enregistrée depuis la création du rapport en 2011. Ce sont au total 453 millions de nouveaux usagers qui ont été enregistrés entre octobre 2019 et 2020.

Cela signifie qu’en moyenne, plus de 14 nouvelles personnes ont commencé à utiliser les médias sociaux chaque seconde depuis l’année dernière à la même époque. (…) Plus de 180 millions de personnes de plus ont utilisé les médias sociaux entre juillet et septembre par rapport aux trois mois précédents, ce qui équivaut à une augmentation moyenne de près de 2 millions d’utilisateurs par jour, souligne le rapport.

Une dynamique issue du confinement

Cette hausse s’explique en grande partie par les nouvelles habitudes adoptées par la population pendant le confinement. Si l’étude prévoit une « certaine volatilité du nombre d’utilisateurs des différentes plateformes au cours des prochains mois », il est peu probable que le nombre global d’utilisateurs des médias sociaux recule lorsque la crise liée à la Covid-19 sera passée.

Les chiffres des utilisateurs d’Internet et des réseaux sociaux dans le monde en octobre 2020.© Hootsuite / We Are Social

Selon l’étude, le nombre d’internautes dans le monde est lui aussi en augmentation de 7,4 % pour s’élever à 4,66 milliards d’individus (60 % de la population mondiale). Au niveau des devices, le desktop représentent les deux tiers des appareils les plus utilisés pour se connecter à Internet à l’échelle de la planète.

13 minutes supplémentaires passées sur Internet, 7 minutes de plus sur les réseaux sociaux

Le temps moyen passé sur Internet et les réseaux sociaux est également à la hausse. Les internautes passent en moyenne 2h29 sur les plateformes sociales chaque jour, soit 7 minutes de plus qu’en juillet dernier. Le temps d’utilisation d’Internet au quotidien est quant à lui de 6h55 en moyenne, soit 13 minutes de plus qu’il y a 3 mois. À titre de comparaison, les individus passent 3h29 devant la télévision, 1h34 sur les plateformes de streaming et 1h14 sur les consoles de jeux vidéo.

Si l’on additionne ces chiffres, cela signifie que le monde passe maintenant plus de 10 milliards d’heures par jour à utiliser les médias sociaux, ce qui équivaut à plus d’un million d’années d’existence humaine, précise l’étude.

Les chiffres du temps passé chaque jour sur Internet, les réseaux sociaux, la télévision et les jeux vidéo en octobre 2020. © Hootsuite / We Are Social

L’usage du numérique au bureau : l’email reste le canal privilégié devant WhatsApp et Slack

L’étude s’appuie sur une enquête réalisée par GlobalWebIndex sur les plateformes les plus utilisées au bureau. Le constat : l’âge constitue un facteur majeur pour déterminer les plateformes préférées des collaborateurs sur leur lieu de travail, que ce soit dans le cadre d’échanges avec leurs collègues, des partenaires, des fournisseurs ou avec des clients.

Plus de 90 % des personnes interrogées de moins de 45 ans utilisent le mailing chaque semaine, mais près d’une sur cinq âgées de 55 à 64 ans déclare utiliser les mails moins d’une fois par semaine. Cette « différence d’âge » est encore plus évidente si l’on considère les outils ajoutés plus récemment à la panoplie des moyens de communication. Environ 9 personnes interrogées sur 10 de la génération Z déclarent utiliser des plateformes de messagerie comme WhatsApp et Slack pour communiquer avec leurs collègues chaque semaine, tandis qu’à peine la moitié des personnes interrogées âgées de 55 à 64 ans ont intégré l’utilisation de ces plateformes à leur routine au travail, analysent Hootsuite et We Are Social.

Voici les chiffres d’utilisation des principales plateformes de communication dans le cadre professionnel chaque semaine :

  • l’email : 92 %,
  • les applications de messagerie, comme WhatsApp : 79 %,
  • les outils de collaboration, comme Slack : 73 %,
  • les vidéoconférences : 71 %,
  • les réseaux sociaux : 66 %.

Les principales plateformes de communication utilisées au travail. © Hootsuite / We Are Social

Instagram et Snapchat, les 2 plateformes en forte croissance au 3e trimestre

Si la majorité des médias sociaux ont connu une forte croissance au cours du 3e trimestre 2020, deux plateformes figurent parmi celles qui ont le plus élargi leur communauté d’abonnés : Instagram et Snapchat.

Instagram, bientôt 5e plateforme sociale la plus utilisée au monde ?

Les chiffres de croissance affichés ces trois derniers mois par Instagram, qui compte 1,158 milliard d’utilisateurs actifs mensuels (MAU) au mois d’octobre 2020, dépassent largement ceux enregistrés par son grand frère, Facebook, selon le rapport.

Les outils de mesure de l’entreprise montrent que l’audience publicitaire d’Instagram a augmenté de plus de 76 millions au cours des trois derniers mois, atteignant un total de 116 milliards de personnes au début du mois d’octobre 2020. Cela équivaut à une croissance de plus de 7 % par rapport au trimestre précédent, et prolonge l’impressionnant bond de 11 % que nous avions signalé pour la plateforme dans notre rapport de juillet.

Le rapport de We Are Social et Hootsuit prévoit qu’Instagram pourrait ravir la 5e place des plus grandes audiences mondiales des médias sociaux en 2021, aujourd’hui détenue par WeChat (1,206 milliard de MAU), en croissance de 0,3 %, soit 20 fois moins rapide qu’Instagram.

Focus sur l’audience publicitaire d’Instagram en octobre 2020. © Hootsuite / We Are Social

Snapchat, une audience mondiale boostée par l’Inde, qui a interdit TikTok

Le réseau social n’est pas en reste avec 36 millions de nouveaux utilisateurs entre juillet et septembre 2020, soit une hausse de + 9 % par rapport au trimestre précédent. D’après l’étude, l’audience publicitaire de Snapchat atteint désormais 433 millions de MAU (+ 20 % sur un an).

Avec 16 millions de nouveaux utilisateurs, l’Inde représente près de la moitié de la croissance mondiale de Snapchat ce trimestre, phénomène que l’on peut expliquer en partie par la récente interdiction de TikTok par le gouvernement indien.

Focus sur l’audience publicitaire de Snapchat en octobre 2020. © Hootsuite / We Are Social

Si TikTok a perdu plus de 200 millions d’utilisateurs à la suite de l’interdiction prononcée par le gouvernement indien et malgré les rebondissements de cet été, qui ont abouti sur un accord de dernière minute signé avec Oracle et Walmart pour éviter un bannissement de ses activités aux États-Unis, la popularité du réseau social ne cesse de progresser. Ce sont ainsi plus de 80 millions d’utilisateurs qui se sont inscrits (en dehors de l’Inde) entre juillet et septembre 2020. Alors que l’audience mondiale de Tiktok s’élève à 689 millions d’utilisateurs, selon les derniers chiffres officiels, la barre des 700 millions de membres pourraient être prochainement dépassée au vu de cette tendance de croissance.

À lire également, TikTok dépasse Instagram chez les adolescents américains mais Snapchat reste N°1

Le top 10 des réseaux sociaux en octobre 2020

Tandis que Facebook reste le solide leader, avec désormais 2,7 milliards d’utilisateurs actifs mensuels, devant YouTube et WhatsApp (2 milliards MAU), le trio de tête des plateformes sociales les plus utilisées dans le monde reste inchangé. Derrière Facebook Messenger, WeChat progresse légèrement (1,206 milliard MAU), talonné de près par Instagram et son 1,158 milliard d’utilisateurs. Le classement différencie les applications de ByteDance, à savoir TikTok (689 millions d’utilisateurs) et sa version chinoise Douyin (600 millions), faisant ainsi sortir Qzone du top 10.

Si Twitter a récupéré au 3e trimestre une partie des 61 millions d’utilisateurs perdus pendant le confinement, avec un gain de 27 millions d’inscrits au cours des 3 derniers mois, cela n’est toujours pas suffisamment pour accrocher les 10 premières places. Devant lui, se dressent d’autres concurrents, à l’image de Telegram (400 millions MAU), Pinterest (416 millions MAU), Reddit (430 millions MAU) ou encore Snapchat et ses 433 millions d’utilisateurs actifs chaque mois, comme nous venons de le voir.

  1. Facebook – 2,701 milliards
  2. YouTube – 2 milliards
  3. WhatsApp – 2 milliards
  4. Facebook Messenger – 1,3 milliard
  5. WeChat / Weixin – 1,206 milliard
  6. Instagram – 1,158 milliard
  7. TikTok – 689 millions
  8. QQ – 648 millions
  9. Douyin – 600 millions
  10. Sina Weibo – 523 millions

Le classement des plateformes sociales les plus populaires en octobre 2020. © Hootsuite / We Are Social

Internet en octobre 2020 : les chiffres clés

Parmi les nombreuses données collectées par le rapport, voici les principaux chiffres à retenir sur l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux en octobre 2020.

Sur 7,81 milliards d’individus dans le monde, on compte désormais :

 

  • 5,20 milliards d’utilisateurs uniques de téléphones (67 %),
  • 4,66 milliards d’internautes (60 %),
  • 4,14 milliards d’utilisateurs des réseaux sociaux (53 %),
  • 4,08 milliards d’utilisateurs des médias sociaux sur mobile (99 %),
  • 6h55 passés en moyenne par jour sur Internet,
  • 2h29 passés en moyenne par jour sur les réseaux sociaux.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

Coronavirus : les médias en font-ils trop ?

Depuis maintenant plusieurs semaines, le coronavirus occupe une place prépondérante dans l’espace médiatique. On le retrouve partout, tous les journaux traitent le sujet.

La couverture médiatique se distingue en deux temps.

  1. Le premier tournant date du moment où l’épidémie était cantonnée en Chine.
  2. Le deuxième tournant représente le moment où la maladie est arrivée en Belgique.

Mais une question revient régulièrement, les médias en font-ils trop ?

Le coronavirus est un événement extraordinaire, d’envergure mondiale. Il est caractérisé par son caractère risqué.

Au départ, le risque principal était la propagation mondiale de la maladie. La littérature médiatique sur les risques montre qu’une maladie exceptionnelle, nouvelle, inconnue, qui fait peur aura un impact amplifié dans les médias. La comparaison peut être faite avec d’autres événements comme des catastrophes nucléaires (exemple : Tchernobyl) qui ont lieu à l’autre bout du monde, mais qui ont un écho médiatique très important.

Aujourd’hui, les médias participent à la gestion du risque au niveau local. La théorie de l’amplification sociale des risques montre que certains risques (tel que le risque d’épidémie de coronavirus) sont susceptibles de connaître un phénomène d’amplification (ils seront perçus comme plus important que ce que suggèrent les modèles scientifiques) en fonction de leur traitement médiatique. Différentes variables influent sur ce processus d’amplification de la perception du risque dans la population.

Une communication de ces risques permet de prévenir et de gérer la crise, le problème existant. Le phénomène du Coronavirus se distingue en deux catégories de risques à gérer :

  • La maladie en tant que telle qu’il faut contrôler pour éviter sa propagation
  • Des risques secondaires de type sociaux et économiques. Ce sont des risques d’un second ordre à gérer et qui seront liés à la perception du risque d’épidémie par le grand public. Plus les risques liés à l’épidémie seront perçus comme important, plus les conséquences sociales et économiques de l’épidémie pourraient être amplifiées.

Les médias ont un rôle important dans la perception de ces risques qui diffère en fonction de la population touchée. Un médecin, un scientifique, ou une personne lambda n’utiliseront pas le même cadre, ou les mêmes valeurs, pour mesurer les risques de l’épidémie. Les professionnels de l’information, et principalement les journalistes, jouent un rôle central dans ce processus d’amplification (ou de prévention de l’amplification) de la perception des conséquences possibles du coronavirus.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

 

Covid-19 : protéger la liberté de la presse pendant la pandémie

 

 

Alors qu’il joue un rôle crucial en nous informant et en luttant contre la désinformation, le secteur des médias est fortement affecté par la crise du coronavirus.

En raison de la crise que nous connaissons actuellement, le secteur fait face à une diminution importante de revenus publicitaires. Le Parlement européen craint que l'aggravation de la situation financière n’empêche les organes de presse de fournir des informations claires et factuelles et de lutter contre la désinformation sur la pandémie de coronavirus.

Dans une résolution adoptée le 17 avril, les députés européens ont déclaré que la désinformation sur le Covid-19 posait un problème majeur de santé publique, qu’il était important que tout le monde puisse avoir accès à des informations précises et vérifiées et que des médias libres, indépendants et suffisamment financés étaient nécessaires à la démocratie.

La liberté d'expression, la liberté des médias et le pluralisme sont inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE, ainsi que dans la Convention européenne des droits de l'homme.

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 

Fonds de soutien d'urgence pour les médias

Pour faire face à cette situation critique, les membres de la commission de la culture du Parlement européen ont demandé à la Commission européenne d'envisager la création d'un fonds de soutien d'urgence pour le secteur des médias et de la presse.

Certaines mesures ont déjà été prises pour soutenir la liberté des médias et protéger les journalistes. En mars 2020, l'Union européenne a débloqué 5,1 millions d'euros pour financer des projets visant à identifier et à prévenir les violations de la liberté de la presse, à détecter les menaces envers le pluralisme et à soutenir les enquêtes transfrontalières.

Apprenez-en plus sur les mesures prises par l’Union européenne pour lutter contre la pandémie de coronavirus.

Journée mondiale de la liberté de la presse

Chaque année, la Journée mondiale de la liberté de la presse est célébrée le 3 mai. Reporters sans frontières vient de publier l'édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse, qui prend également en compte la menace que représente l’épidémie de coronavirus pour le journalisme libre.

L'Europe reste la région la plus sûre pour les journalistes

Selon l'édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse, l'Europe reste le continent le plus sûr pour les journalistes. La situation de la liberté de la presse dans les pays de l'Union européenne est majoritairement notée comme « bonne » ou « plutôt bonne ». La Finlande, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas conservent les premières places du classement.               

La liberté de la presse dans l'Union européenne 

Bien que l'Europe soit la région la plus sûre pour les journalistes, Reporters sans frontières prévient que de nombreux cas de harcèlement et de menaces envers des journalistes y ont été signalés.

Les risques augmentent partout au monde

Les mesures d'urgence prises par certains gouvernements en réponse à la pandémie de Covid-19 ont eu un impact sur le classement de certains pays, tels que la Chine (177e position), l'Iran (-3 places, 173e position) et l'Irak (-6 places, 162e position).

Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord restent les régions les plus dangereuses au monde pour les journalistes, tandis que la région Asie-Pacifique a enregistré l’augmentation la plus élevée de violations de la liberté de la presse (+ 1,7%).

Reporters sans frontières rapporte qu’à ce jour, 11 journalistes ont été tués en 2020. 2019 fut l’année la moins meurtrière de ces 16 dernières années (49 journalistes tués), en raison de la diminution du nombre de morts dans les conflits armés (44% de moins que l'année précédente).

La liberté de la presse dans le monde 

Malgré quelques chiffres positifs, la situation générale de la liberté de la presse dans le monde s'est empirée et l'hostilité envers les journalistes ne fait que croître. Le nombre de pays considérés comme sûrs pour les journalistes continue de diminuer, avec seulement 24% des 180 pays classés comme « bons » ou « assez bons » en 2019 et 2020, contre 26% en 2018 et 27% en 2017.

Actuellement, 361 journalistes sont emprisonnés, contre 389 fin 2019. Près d'un tiers d'entre eux se trouvent en Chine. Les autres sont détenus en Égypte, en Arabie saoudite, en Syrie, en Turquie, au Vietnam, en Iran, à Bahreïn et au Yémen. Le nombre de journalistes pris en otage est resté stable en 2019. Ils sont retenus dans quatre pays : la Syrie, le Yémen, l'Irak et l'Ukraine. Les chiffres de 2020 concernant les otages ne sont pas encore disponibles.

Le Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières classe 180 pays et régions selon l’état de la liberté de la presse. Les pays sont notés entre 0 et 100 en tenant compte de critères tels que le pluralisme, l'indépendance des médias, le cadre législatif, la transparence et le nombre d'abus contre les journalistes. Plus le score est bas, mieux la liberté de la presse se porte dans le pays.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

 

Charte des devoirs et des droits des journalistes dite "Charte de Munich"

 

Cette déclaration a été rédigée et approuvée à Munich, les 24 et 25 novembre 1971. Elle a été adoptée depuis par la Fédération internationale des journalistes (FIJ), et par la plupart des syndicats de journalistes en Europe.

 

Préambule

Le droit à l'information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. De ce droit du public à connaître les faits et les opinions procède l'ensemble des devoirs et des droits des journalistes.
La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l'égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics. La mission d'information comporte nécessairement des limites que les journalistes eux-mêmes s'imposent spontanément. Tel est l'objet de la déclaration des devoirs formulée ici. Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans l'exercice de la profession de journaliste que si les conditions concrètes de l'indépendance et de la dignité professionnelle sont réalisées. Tel est l'objet de la déclaration des devoirs et des droits, qui suit.

 

Déclaration des devoirs

Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont :

1. Respecter la vérité, quelles qu'en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité.

2. Défendre la liberté de l'information, du commentaire et de la critique.

3. Publier seulement les informations dont l'origine est connue ou les accompagner, si c'est nécessaire, des réserves qui s'imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et documents.

4. Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents.

5. S'obliger à respecter la vie privée des personnes.

6. Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte.

7. Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement.

8. S'interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation et les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d'une information.

9. Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n'accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs.

10. Refuser toute pression et n'accepter de directive rédactionnelle que des responsables de la rédaction.

Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d'observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n'accepte, en matière d'honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l'exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.

 

Déclaration des droits

1. Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d'information et le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception et en vertu de motifs clairement exprimés.

2. Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu'elle est déterminée par écrit dans son contrat d'engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale.

3. Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou à sa conscience.

4. L'équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l'entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journalistes.

5. En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu'à une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.

 


Extraits des Règles et usages en vigueur dans la presse quotidienne régionale en France :


La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi (article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789).
Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considérations de frontières (Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales).

Proche de ses lecteurs et conscient de ses responsabilités à leur égard, le journal veille à ce que le "fait" soit distingué du "commentaire" dans le traitement de l'information.

1. Exiger le sérieux et la rigueur. La crédibilité d'un journal repose sur sa capacité à diffuser une information avérée et précise. Aussi, la publication d'une information vérifiée est la garantie du sérieux, de la rigueur et de la bonne foi du journal. Ne pas nourrir la rumeur. En particulier, le journal met tout en oeuvre pour ne pas nourrir et amplifier une rumeur même si d'autres supports de communication s'en sont déjà fait l'écho. (...)

2. Affirmer le respect de la personne. Le journal s'attache au strict respect des dispositions légales interdisant la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes "en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées". La discrimination consiste à faire naître, dans l'esprit des lecteurs, des sentiments de distinction (ségrégation) fondés sur le mépris, l'antipathie ou l'aversion. La haine met en jeu l'hostilité à l'égard de quelqu'un, la volonté de lui nuire en raison de son appartenance ou non à une ethnie, une nation... La violence doit s'entendre aussi bien au sens moral que physique du terme. Au-delà des provocations clairement identifiables, le journal évite tout propos ou tout qualificatif qui mettent ou soient susceptibles de mettre en jeu les sentiments évoqués ci-dessus. (...)

3. Ne pas diffamer. Le journal veille au respect de l'honneur et de la considération de la personne. De manière générale, il veille au respect des quatre critères qui sont à la base de toute démarche inspirée par un souci de bonne foi :
La légitimité du but poursuivi. Le journal s'attache à ce que les faits soient toujours traités dans un souci d'intérêt général, fondé sur le droit à l'information du public. La priorité est donnée au sujet traité par rapport aux acteurs du fait évoqué.
L'absence d'animosité personnelle. Le journal se garde de publier des articles à caractère délibérément polémique à l'égard des personnes, qui seraient inspirés par l'existence de contentieux personnels.
La mesure dans l'expression. Le journal veille à ce que les articles ne contiennent pas d'expressions outrancières ou blessantes à l'égard des personnes.
La fiabilité de l'enquête. La recherche de l'information est fondée sur le principe du contradictoire, qui est à la base de toute démarche inspirée par un souci de bonne foi. (...)

4. Recueillir tous les points de vue nécessaires. A cet effet, un contact est recherché avec les principales parties concernées par une affaire traitée par le journal, dans le souci de recueillir leur point de vue et de traiter l'information de manière équitable. Lorsqu'une personne concernée se refuse à toute déclaration, le journal en informe le lecteur. (...)

5. Respecter la présomption d'innocence. Au terme de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, qui a valeur constitutionnelle, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, c'est-à-dire tant qu'il n'a pas été condamné. Si le droit à l'information du public légitime la publication d'informations recueillies par le journal, le respect de la présomption d'innocence impose une rigueur exemplaire dans le choix des informations portées à la connaissance du lecteur et une grande vigilance dans leur présentation.

6. Veiller à la véracité de l'information et à la prudence et l'équité dans l'expression. De manière générale, les principes de véracité, de prudence, d'équité et de rigueur exposés précédemment s'appliquent tout particulièrement dans le traitement des informations concernant les faits divers. (...)

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

Les médias font-ils l'élection ?

Depuis plus de 40 ans, la question fait débat. Hommes politiques et journalistes s’en saisissent, de préférence lorsque le résultat du scrutin dément les prévisions.  Des tout premiers chercheurs à étudier l’influence des médias, et singulièrement de la télévision, sur le comportement du corps électoral. Nous lui avons demandé de mettre en perspective une interrogation qui, au fil du temps, a nourri la controverse.

La question ressurgit périodiquement. Elle s’est posée de manière souvent virulente lors de la dernière présidentielle. Pourtant le débat ne date par d’hier…

Le débat de fond est aussi ancien que le gouvernement d’opinion ; il est même antérieur à l’avènement de la démocratie. Il existait déjà au temps de la monarchie constitutionnelle avec un électorat restreint. Il est sous-jacent à toutes les controverses sur la liberté de la presse : si la droite ultra était, sous la Restauration, tellement réservée à l’égard du principe de la liberté de la presse, à l’exception peut-être de Chateaubriand, c’est parce qu’elle craignait que la presse ne « fasse les élections ». Ainsi s’explique l’articulation entre régime électoral et statut de la presse. Les adversaires de la liberté de celle-ci, politiques ou religieux, les autorités sociales, les institutions d’Église, les forces conservatrices, ne croient pas que l’individu soit par lui-même capable de se faire une opinion raisonnable. Ce point est d’une grande importance. Tous ceux qui croient que les médias font l’élection estiment que l’électeur n’a pas de possibilité de se défendre contre la manipulation ou l’endoctrinement. On touche ici à un problème de philosophie politique : la démocratie est-elle une utopie ? Professer que les médias font l’opinion, c’est nier la capacité de jugement de l’électeur et douter de la démocratie. Force est de constater que cette conviction est partagée par la quasi-totalité des hommes politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche : même ceux qui se croient sincèrement démocrates se comportent comme s’ils partageaient la conviction que le pouvoir politique dispose des médias, conditionne l’opinion et fabrique les élections.

Néanmoins, la puissance supposée de la télévision n’a-t-elle pas donné un nouveau tour à la controverse ?

En effet, le débat a rebondi au début des années 1960, du fait de la concomitance entre l’instauration d’un nouveau régime politique, la Ve République, au caractère personnel particulièrement affirmé, et les débuts de la télévision, qui est alors toute neuve. Elle était déjà intervenue en novembre 1958 pour les premières élections, mais plus pour le commentaire des résultats que dans la campagne ; il n’y avait encore qu’à peine un petit million de récepteurs pour un corps électoral de 24 millions : c’était donc peu de chose. À l’automne 1962, il en va différemment. Il faut rappeler ce qu’est le statut de la télévision, mais aussi de la radio, à l’époque : un monopole d’État. C’est dire que le corps électoral dans son ensemble était soumis à la télévision sans aucune contrepartie. Que les médias audiovisuels fussent ainsi entre les mains du pouvoir ne posait guère de problème de conscience au général de Gaulle à qui l’on prêtait ce raisonnement : la presse lui étant dans l’ensemble hostile, l’équilibre était rétabli par le contrôle de la télévision.

La controverse a connu son paroxysme avec la crise constitutionnelle ouverte à l’automne 1962 par la décision du général de Gaulle de modifier la constitution pour faire élire le président de la République au suffrage universel. Son initiative rencontre l’opposition de toutes les forces politiques, le parti gaulliste - l’UNR - excepté. Le président du Sénat parle de forfaiture, la plupart des juristes estime que la procédure choisie par le chef de l’État est en contradiction avec les articles 11 et 89 de la Constitution. L’Assemblée nationale – fait unique jusqu’à ce jour dans l’histoire du régime - vote la censure par 280 voix sur 479, soit approximativement 60 %. Aux yeux des politiques, ce scrutin préfigurait le résultat du référendum : ils n’imaginent pas qu’il puisse y avoir discordance entre la position des représentants du peuple élus quatre ans plus tôt et le choix des électeurs. De fait, le risque pris par le général de Gaulle est grand et les gaullistes ne sont pas les derniers à s’inquiéter. Or, le référendum du 28 octobre 1962 approuve le projet de révision par 62 % des suffrages exprimés : le rapport est inversé et la discordance éclatante. Pour la plupart des politiques, l’explication est toute trouvée : le débat a été faussé par la télévision ; c’est elle qui a assuré le succès du général de Gaulle et entraîné la défaite des partis politiques. Cette conviction s’exprime dans les commentaires : Jean-Jacques Servan-Schreiber, dans L’Express, va jusqu’à parler de « télécratie » : la démocratie est vaincue par la télévision. Et Georges Vedel, d’ordinaire plus prudent, apporte à cette thèse la caution de son autorité scientifique, en affirmant que la télévision est responsable du résultat et a dénaturé l’expression libre de l’opinion. Cette conviction trouve de larges échos à l’étranger. Quand Hubert Beuve-Méry, directeur du Monde, va faire une conférence à Londres, au déjeuner donné en son honneur par l’Ambassadeur de France, un confrère britannique lui demande quel est le nom du censeur attaché à son journal ! Moi-même, je me rappelle que, donnant une conférence en 1964 sur la Ve République à l’Institut français de Naples, un des universitaires présents, spécialiste de science politique, intervint pour affirmer que les Italiens ont connu ce type de régime avec le fascisme : j’ai eu de grandes difficultés à lui faire comprendre que les deux situations n’étaient pas tout à fait comparables.

En cherchant à comprendre le résultat de 1962, vous avez été amené à vous interroger sur le rapport entre télévision et élection…

Effectivement le caractère péremptoire de ces affirmations m’avait choqué : sans nier pour autant que la télévision ait pu jouer un rôle, je trouvais qu’on sautait un peu vite aux conclusions en l’absence de certitudes scientifiques. Ces propos troublaient le citoyen autant que l’intellectuel : s’il suffisait que le pouvoir contrôle la télévision pour qu’elle lui renvoie le reflet de ce qu’il dit, n’était-ce pas à désespérer de la démocratie dans un pays comme le nôtre ? J’ai donc eu envie d’aller au fond des choses. J’animais alors un séminaire à la Fondation nationale des Sciences politiques dans le cadre du Cycle supérieur de science politique. Cette année-là, notre recherche collective portait sur la dépolitisation. L’idée était alors généralement admise que la France était dépolitisée : aujourd’hui, quand on revoit ce qu’étaient les taux de participation aux élections et qu’on évoque l’intensité des débats politiques, que certains observateurs aient pu sérieusement croire à la dépolitisation du corps électoral, on croit rêver ! Nous avons donc tenté de vérifier le plus scientifiquement possible s’il y avait bien une corrélation entre l’influence de la télévision et le résultat des élections. Pour les premiers, on disposait de chiffres précis, à l’unité près, qui permettaient de connaître la distribution géographique des Oui et des Non, et donc d’établir à la surface du territoire une échelle hiérarchique allant du Oui franc et massif au Non critique et réservé. Pour la télévision, la répartition des récepteurs n’était pas uniforme, car le réseau ne couvrait pas encore toute la France : grâce au Service de la redevance, on pouvait connaître très précisément la répartition géographique. La corrélation était d’autant plus facile qu’il n’y avait qu’une seule chaîne : le zapping n’existait pas encore. Il suffisait donc de rapprocher les deux cartes pour calculer le rapport entre les suffrages et les récepteurs, et conclure, avec une certitude quasiment scientifique, à l’existence ou non d’une corrélation entre l’impact de la télévision et le résultat des élections. La constatation s’imposa qu’il n’y avait pas de corrélation et même qu’il y avait plutôt distorsion, comme si l’utilisation par les pouvoirs publics du média avait parfois suscité une réaction de rejet. L’explication du succès du général de Gaulle devait donc être cherchée ailleurs : elle était proprement politique, en rapport avec la personnalité du chef de l’État, la conjoncture intérieure, la situation internationale. L’électeur n’était donc pas incapable d’exercer son jugement et de se faire une opinion personnelle.

Le débat n’est-il pas alimenté, depuis longtemps, par les hommes politiques eux-mêmes ?

Assurément, et à droite comme à gauche. Le débat sur le rôle de la télévision a eu une part dans la disgrâce de Jacques Chaban-Delmas en 1972. La majorité UDR, élue en juin 1968, traumatisée par les événements du printemps, était convaincue de la nécessité de contrôler la télévision. Or, Jacques Chaban-Delmas, qui était persuadé de la nécessité de rétablir un minimum de dialogue, avait créé à la télévision une seconde unité d’information dont il avait confié la direction à Pierre Desgraupes. Sa majorité imputait à cette initiative la responsabilité de ses échecs électoraux. Aussi était-elle décidée, à l’approche du renouvellement à l’Assemblée prévue pour 1973, à mettre un terme à cette politique qui lui paraissait grosse de dangers. J’appartenais alors au Conseil d’administration de l’ORTF et j’ai été le témoin de la campagne qui visait à affaiblir le Premier ministre et à entraîner son départ. Mais la gauche n’a pas une perception très différente. Je me rappelle ainsi une soirée d’élections, cantonales ou municipales en 1983 ou 1984, sur le plateau d’Antenne 2 : la gauche essuyait un échec assez sensible, et je revois ce ministre du gouvernement Mauroy reprochant aux journalistes d’avoir fait trop de place au conflit social des usines Citroën : c’était l’explication de la défaite de la gauche. Plus près de nous, en 2002, on se rappelle l’inclination d’une partie de la gauche à expliquer la défaite de Lionel Jospin par l’écho donné à la télévision aux problèmes de sécurité.

Les hommes politiques partagent presque tous la conviction que leur succès ou leur échec dépend du temps qui leur est accordé sur le petit écran : d’où la vigilance soupçonneuse sur le respect des temps de parole et la minutie apportée à la comptabilisation.

Est-ce à dire que les médias n’exercent aucune influence sur le vote et les résultats des élections ?

Il serait naïf de le penser. D’abord les médias apportent à l’électeur des éléments d’information, lui fournissent des arguments qui peuvent infléchir sa décision. Les travaux des chercheurs américains, qui se sont intéressés à cette question dès les années 1950, montrent qu’aux États-Unis les médias pèsent sur le choix de ceux qui balancent entre le parti démocrate et le parti républicain. Mais, sans être négligeable, cet effet n’est pas déterminant et ne concerne jamais que 6 à 7 % du corps électoral. À mon sens, l’influence de la télévision existe, mais elle s’exerce plutôt de façon indirecte. Elle joue davantage sur les personnes que sur les programmes, car la télévision est un excellent révélateur des personnalités : elle réalise sur une large échelle ce qui était possible jadis lorsque les électeurs se déplaçaient pour voir et entendre les candidats dans les campagnes électorales ; avec la télévision, c’est le candidat qui vient à domicile et pénètre chez l’électeur. Or, il est difficile, pour ne pas dire impossible, à un homme politique de maintenir longtemps la crédibilité d’un personnage emprunté : la vraie personnalité se trahit vite. On se rappelle, par exemple, lors d’un face à face télévisuel en 1985, l’apostrophe de Laurent Fabius à Jacques Chirac lui signifiant qu’il parlait au « Premier ministre de la France » : sa morgue éclatait soudain aux yeux de tous.

Les médias, et singulièrement la télévision, auraient-ils un rôle totalement négligeable en matière politique ?

Les médias jouent un rôle par la sélection même de l’information, l’importance qu’ils décident d’accorder ou de refuser à tel événement : ce dont ils ne parlent pas n’existe pas. Il leur est possible en quelque sorte de refuser l’existence à un homme, un parti, une institution, ou un événement ; or, l’électeur n’entre en rapport avec la politique que par leur intermédiaire et en particulier par le truchement de la télévision. Deux exemples à cet égard : celui, d’abord, de l’Europe et de ses institutions. Si les électeurs français ne s’y intéressent pas davantage et en particulier ne perçoivent pas l’importance du Parlement de Strasbourg, c’est peut-être parce que les médias ne leur en parlent jamais. Aucun d’entre eux n’entretient auprès du Parlement de correspondants permanents. On ne rend jamais compte de ses sessions et de leur objet : seul Le Monde assure depuis peu une présence constante à Bruxelles avec Thomas Ferenczi. On n’en parle qu’à l’approche du renouvellement de l’Assemblée ; le scrutin passé, le silence retombe pour cinq années. Quant aux travaux de la Commission de Bruxelles, nos médias ne les évoquent généralement qu’à propos des décisions qui contreviennent aux intérêts français.

Le second exemple est plus personnel, et c’est la raison pour laquelle j’hésite davantage à le mentionner. J’ai fait partie de la Commission indépendante de réflexion sur l’application du principe de laïcité présidée par Bernard Stasi. À ce titre, j’ai été témoin et victime avec mes confrères d’une désinformation quasiment systématique : nous n’avons jamais réussi à obtenir des médias qu’ils considèrent et expliquent que le problème de l’intégration ne se réduisait pas à celui du port du voile pour les adolescentes dans les collèges et les lycées : impossible de faire qu’ils parlent de tout le reste qui était infiniment plus important. L’effet de ce comportement réducteur s’est fait sentir et dans l’opinion et dans les décisions politiques : si les médias avaient traité la question dans son ensemble, les politiques n’auraient pas entretenu l’illusion qu’en adoptant les quatre articles d’une loi interdisant le port du voile, le problème de l’intégration allait être résolu. Cet exemple illustre le pouvoir négatif dont disposent les médias. À l’inverse, ils peuvent attirer l’attention sur un problème et contribuer à l’éducation de l’électeur. Ils ont donc bien une influence, mais générale et diffuse, qui ne se fait pas sentir directement, dans le résultat d’une consultation électorale, mais qui s’exerce sur une relation entre l’électeur et la politique en général.

Les médias, selon vous, ne remplissent pas entièrement leur mission ?

Je me garderai de faire leur procès, je les ai pratiqués et, à collaborer avec les journalistes, j’ai conçu de l’estime pour la plupart. J’ai même établi avec nombre d’entre eux des relations de confiance et d’amitié. J’ai cependant aujourd’hui le sentiment d’une certaine dégradation, d’un manque de qualification professionnelle qui se manifeste notamment dans la course au scoop, le fait de négliger la vérification, l’attention excessive accordée à l’anecdotique, au superficiel.

Le traitement de l’information est-il sans conséquence sur la perception du politique ?

Je ne le crois pas : je pense même que le malentendu actuel entre les électeurs et la politique, plus grave et plus préoccupant qu’autrefois, est dû, dans une large mesure, à ce que la vie politique est aujourd’hui plus médiatisée. Jadis, c’est-à-dire avant l’irruption de la télévision et même aux premiers temps de l’histoire de celle-ci, la vie politique n’occupait que peu de place dans l’information : la radio n’en parlait guère ; tous ne lisaient pas les journaux. La télévision, elle, parle politique, et elle a raison. La politique entre chaque jour dans les foyers avec le journal télévisé. Elle rend compte des congrès des partis politiques ; elle fait écho à leurs conflits internes et, par la force des choses — et aussi du fait de la nature propre du média —, ce que la télévision présente n’est pas toujours à l’avantage ni à l’honneur de la politique. Par exemple, l’Assemblée nationale n’est généralement montrée qu’en deux ou trois circonstances qui ne sont pas représentatives : les séances de questions et de réponses, ou les empoignades, à moins qu’on ne découvre un hémicycle à peu près désert. Mais rien, jamais, de tout le travail parlementaire, du temps consacré par chaque député à l’étude des problèmes, le travail en commissions. Il est vrai que tout cela ne se prête guère à la visualisation et que la télévision doit privilégier l’image : or, la politique relève de l’immatériel et de l’invisible.

Pour revenir à la question de départ, les médias ne font pas l’élection, mais ils contribuent grandement à façonner la vie politique et concourent à la formation des électeurs. Leur action sur les élections n’est pas nulle, mais elle s’exerce de façon diffuse et dans le long terme.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard