Le rôle des médias dans la campagne électorale

Les médias, notamment la télévision, sont considérés plus en plus importants pour la campagne électorale et les partis et candidats essaient d’apparaître à la télévision autant que possible. La télévision est largement considérée comme le moyen le plus important pour mener la campagne et atteindre aux électeurs dans les pays où il y a une large couverture et un grand public.

Toute règlementation de l’activité médiatique pendant les élections s’appliquerait normalement à une période de campagne électorale déterminée. Il y aurait une période de campagne officielle au cours de laquelle ces règlements seraient applicables, autrement l’activité des médias sera régit par la pratique habituelle.

La période de la campagne électorale est la période précédant l’élection. Néanmoins, les activités préélectorales ont généralement lieu pendant une période plus longue que celle de la campagne officielle indiquée au calendrier électoral.

Dans certains pays, il y a aussi des règlements précisant une période de silence. Il s’agit d’une période ou un certain nombre de jours suite avant les élections, pendant laquelle aucune activité de campagne n’est permise et il y a des restrictions strictes sur ce que les médias peuvent écrire ou diffuser.

Au cours de la période préélectorale des cycles électoraux récents, la technologie est devenue de plus en plus dominante. Cela comprend des texto/SMS par l’usage généralisé des téléphones portables, même dans les zones rurales, l’utilisation des Smartphones, principalement dans les zones urbaines et l’accès aux plateformes en ligne (telles que Facebook ou Twitter ) via ordinateurs privés ou dans des cybercafés. Certains exemples spécifiques sont abordés dans la section Études de cas de ce module.

Le rôle des médias dans la campagne électorale 

Les médias ont un mandat d’informer les citoyens sur le partis politiques et les candidats participant aux élections et leurs programmes, et de contribuer à la formation de l’opinion de l’électorat. Cela peut comprendre du matériel d’éducation électoral formel fourni par l’organisme de gestion électorale. En outre, les médias eux-mêmes peuvent produire leur propre matériel d’éducation électorale.

Dans un contexte démocratique, l’objectif général de la couverture médiatique pendant les campagnes électorales est la diffusion des reportages et des informations justes et impartiaux. Cet objectif peut, par exemple, être achevé à travers des mesures telles que la répartition équitable du temps d’antenne entre tous les partis et candidats participant aux élections, des accords (volontaires) concernant des programmes d’information justes, des rapports et des émissions ou des débats entre les dirigeants des partis. En premier lieu, il est essentiel d’assurer que tout parti politique ou candidat indépendant ait accès aux médias, notamment la radio et/ou la télévision, vu que la plupart des électeurs s’informent au sujet de la politique par les médias. Cela signifie que les médias ne devraient pas influencer l’opinion publique en traitant les candidats ou les partis de manière différente. Toutefois, c’est souvent le diffuseur qui détermine les personnes qui auront accès aux débats et aux programmes de discussion.

Les médias sont souvent manipulés par le parti au pouvoir (surtout si les médias appartiennent à l’état) afin de transmettre des opinions en sa faveur. La manipulation peut avoir lieu lors de la conception de programmes, des rapports ou des émissions d’information,  des programmes de discussion, ainsi que d’autres émissions comme les spectacles de divertissement et les films. La propagande gouvernementale peut être diffusée sous le prétexte de la diffusion d’information publique objective. Le risque de l’abus de pouvoir par le gouvernement à des fins de propagande électorale peut être limité par l’adoption des lois et règlements précisant le rôle des médias dans les campagnes électorales.

Les lois et règlements concernant les médias dans la campagne électorale peuvent préciser:

  • Si les partis et candidats ont droit à publicité politique gratuite;
  • La façon dont les temps d’antenne ou l’espace publicitaire seront répartis entre les candidats et les partis politiques;
  • Si la publicité politique payante est permise;
  • S’il y a des restrictions aux dépenses par rapport à la publicité électorale;
  • S’il y aura des restrictions au temps et au contenu des émissions électorales;
  • Si les médias ont l’obligation de mener des activités d’éducation électorale;
  • Si les partis ou candidats ont le droit de réponse aux fausses déclarations des médias;§  Si les résultats des sondages d’opinion peuvent être publiés;

Les règlements portant sur les discours de haine et la diffamation.

Il est considéré que les médias publics ont le devoir particulier de publier ou diffuser les déclarations électorales des parties concurrentes. Il est généralement reconnu que les médias financés par l’État doivent permettre la communication directe des partis et candidats avec l’électorat à des conditions équitables, alors que les médias privés ont le droit de publier ou diffuser plus fréquemment les déclarations des partis et candidats qu’ils préfèrent.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

 

 

Liberté de la presse en France : quel cadre légal ?

 

Les fondements de la liberté de la presse

Principe fondamental des systèmes démocratiques, la liberté de presse est inscrite dans :

  • l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
  • l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948
  • l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme du 4 novembre 1950

Avec la loi du 29 juillet 1881, la liberté de la presse en France fait l’objet d’une consécration particulière, au-delà de la reconnaissance générale de la liberté d’expression.

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que "tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi".

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit les libertés et responsabilités de la presse française. Elle impose un cadre légal à toute publication, ainsi qu’à l’affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique. Son article 1 dispose que "l’imprimerie et la librairie sont libres".

La loi de 1881 a été modifiée plusieurs fois pour encadrer cette liberté au-delà des règles liées au respect de la personne, la protection des mineurs, la répression de l’injure, la diffamation ou l’atteinte à la vie privée.

Ainsi la loi Pleven du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme crée un nouveau délit et punit la discrimination, l’injure ou la diffamation à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. La loi Gayssot du 13 juillet 1990 sanctionne, en outre, la négation des crimes contre l’humanité perpétrés par le régime nazi.

La lutte contre la diffusion des fausses informations (fake news) s’est traduite par deux lois (loi organique et loi ordinaire relatives à la manipulation de l’information pendant les périodes de campagne électorale). Promulguées en décembre 2018, ces lois "anti-fake news" autorisent un candidat ou un parti à saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de fausses informations durant les trois mois précédant un scrutin national. Les principales plateformes numériques ont l'obligation de signaler les contenus politiques sponsorisés, en publiant le nom de leur auteur et la somme payée.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de l'audiovisuel obtient le pouvoir de suspendre ou d'interrompre le temps de la période électorale la diffusion d’une chaîne de télévision contrôlée ou placée sous influence d’un État étranger, et portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

En parallèle aux dispositions relatives à la liberté de la presse, la nécessité de lever les soupçons pesant sur l’indépendance des titres de presse et des journalistes vis-à-vis du pouvoir politique et du secteur économique a également conduit le législateur à intervenir afin de réguler la concentration de la presse quotidienne française.

L'ordonnance du 26 août 1944 interdit les concentrations d’organes de presse.

Rendue le 11 octobre 1984, préalablement à la promulgation de la loi du 23 octobre 1984, dite loi "anti-Hersant", une décision du Conseil constitutionnel reconnaît le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale comme étant “en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle”.

La loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse interdit “à peine de nullité, l’acquisition d’une publication quotidienne d’information politique et générale ou la majorité du capital social ou des droits de vote d’une entreprise éditant une publication de cette nature, lorsque cette acquisition aurait pour effet de permettre à l’acquéreur de détenir plus de 30% de la diffusion totale sur l’ensemble du territoire national des quotidiens d’information politique et générale”.

La presse sur internet doit-elle faire l’objet d’une régulation spécifique ? Une étude du Conseil d’État, intitulée "Internet et les réseaux numériques" et publiée en décembre 1998, confirme que "l’ensemble de la législation existante s’applique aux acteurs d’internet".

Le régime des aides à la presse

Le secteur de la presse écrite en France regroupe environ 2 200 entreprises qui emploient 80 000 salariés, dont 25 000 journalistes, et qui éditent environ 9 000 titres. La France a fait le choix de soutenir la presse écrite par des financements publics. Selon le ministère de la culture et de la communication, la somme des aides à la presse directes et indirectes a atteint près de 600 millions d’euros en 2017.

Ces aides, réservées aux titres inscrits auprès de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), répondent à trois objectifs majeurs :

  • le développement de la diffusion ;
  • la défense du pluralisme ;
  • la modernisation et la diversification vers le multimédia des entreprises de presse.

On distingue traditionnellement les aides directes (aide à la diffusion, aide au maintien du pluralisme) et les aides indirectes (régime fiscal et mesures d’exonération sociale).

Les aides directes à la presse écrite

Les aides au maintien du pluralisme recouvrent l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires et l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces. L’aide en faveur de la presse hebdomadaire d’information politique et générale régionale créé en 2004 s’adresse aux hebdomadaires régionaux ou locaux d’information politique et générale, inscrits à la CPPAP, paraissant entre 1 et 3 fois par semaine, qui font l’objet d’au moins 50 éditions différentes par an.

La presse bénéficie de tarifs bonifiés de transport postal. Ces tarifs sont fixés par l’État. L’accès aux tarifs postaux de presse est subordonné à la signature d’un contrat entre l’éditeur de presse inscrit à la CPPAP et La Poste. Il existe aussi depuis 1948 une aide au transport de la presse par la SNCF. Celle-ci se présente actuellement sous la forme de tarifs réduits accordés pour le transport des journaux, pris en charge en partie par l’État selon une convention signée avec la SNCF.

Les aides au portage, créées par le décret n° 98-1009 du 6 novembre 1998, permettent aux entreprises de presse d’obtenir une aide pour distribuer en France leurs publications sans utiliser le transport de presse postal.

Le décret 2012-484 du 13 avril 2012 a regroupé plusieurs dispositifs d’aides antérieurs. Le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) rassemble désormais le fonds d’aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d’information politique et générale, le fonds d’aide au développement des services de presse en ligne (SPEL), le fonds d’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l’étranger.

L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique, qui intègre depuis avril 2012 l’aide à la distribution à l’étranger, est, quant à elle, calculée sur le nombre d’exemplaires vendus au numéro. Elle concerne les quotidiens nationaux et des hebdomadaires (dont le prix de vente et la durée de présentation à la vente de chaque numéro sont comparables à ceux des quotidiens nationaux).

Les aides indirectes

La presse écrite bénéficie de réductions fiscales. Les ventes de journaux inscrits auprès de la CPPAP sont soumises à un taux de TVA réduit de 2,1% (ce taux est de 1,5% en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion). Depuis la loi du 27 février 2014, ce taux s’applique aussi aux services de presse en ligne.

Les publications de presse, les sociétés coopératives de messageries de presse, les agences de presse, les correspondants locaux de presse régionale ou départementale et les services de presse en ligne reconnus par la CPPAP sont exonérés de la contribution économique territoriale (CET).

En 2015, une réduction d’impôt a été instituée pour les particuliers qui souscrivent au capital des sociétés de presse ou pour les dons effectués en faveur de ces entreprises.

La Cour des comptes consacre un chapitre de son rapport public 2018 aux aides à la presse. Pour la Cour, il est nécessaire d'assurer la neutralité des aides de l'État entre les différents vecteurs de diffusion. Pour cela, les publications imprimées, en recul, ne devraient plus être les bénéficiaires quasi-exclusives de ces aides.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

 

 

La présence des médias dans les conflits armés n’est pas nouvelle.

Informer l’opinion sur le déroulement des opérations militaires est une des tâches de la grande presse populaire d’opinion du XIXe siècle. Cette mission donne vite naissance au personnage du « journaliste de guerre », croqué dans Michel Strogoff courant les plaines de Tartarie et cherchant sans répit une station de télégraphe. Le XXe siècle connaît ses grandes plumes emblématiques, devenues quasi mythologiques, vite rejointes par leurs pairs photographes. Aux « reporters de guerre » de la Seconde Guerre mondiale ont succédé les « grands reporters » couvrant crises et conflits. Chaque année, « le prix Bayeux-Calvados », en récompensant les meilleurs reportages de conflit, est l’occasion opportune de valoriser ceux qui font ce métier spécifique et d’illustrer l’ampleur et la diversité de leurs champs d’actions, des conflits africains, à l’Irak ou à l’Afghanistan. Chaque année est aussi marquée par des disparus dans l’exercice d’une activité toujours exigeante et souvent périlleuse.

La relation entre les médias et les parties dans un conflit ne diffère pas dans son essence des fondamentaux de la communication publique et du rapport général qu’entretiennent entre eux médias, société et État. La plupart des champs de batailles de la communication moderne (qu’ils soient économiques, judiciaires, politiques…) connaissent des enjeux qui, conceptuellement, sont très voisins de ceux que l’on retrouve à l’occasion des conflits armés. Ainsi, les objectifs poursuivis par les responsables publics seront fondamentalement les mêmes que pour toute politique publique : rendre compte de l’action conduite, en expliquer le sens et le contenu.


Les spécificités de la relation médias-parties à un conflit sont donc moins à chercher dans les fondamentaux de la communication et de la relation aux médias, que dans quatre caractéristiques propres aux conflits armés :

- la dangerosité du conflit fait que le travail des médias s’opère avec un niveau de risque qui ne se retrouve nulle part ailleurs et dans des lieux où par hypothèse les moyens de travail sont réduits. Ainsi, d’une façon ou d’une autre, s’établit une relation particulière entre médias et forces armées, qui sont à la fois objets du travail journalistique, prestataires de moyens logistiques et garants sécuritaires. Ces situations sont inhérentes aux théâtres de conflit. Les réponses techniques apportées au fil du temps pour les gérer au mieux (dont les embedded américains de 1991) sont en constante évolution, aucune n’étant jamais pleinement ou durablement satisfaisante. C’est le professionnalisme de chacun qui permet in fine de conserver des délimitations claires, quels que soient les modes de travail matériels sur le terrain.

 

- le combattant individuel, qu’il soit appelé ou professionnel, a le besoin naturel de faire connaître le contenu de la mission qu’il remplit. Engagé pour une longue période loin de son pays, il a également besoin de percevoir ce que les siens pensent de son action et donc de lui. Son acceptation du risque personnel est liée à l’assurance qu’il a d’agir pour sa collectivité nationale et en accord avec elle. Le regard de cette collectivité, tel que les médias le renvoient, influe sur sa détermination.

- les risques pris par les troupes lors d’un conflit appellent naturellement une éthique de responsabilité de la part des médias pour ne pas mettre en danger la vie des combattants, voire dans certains cas celles de leurs familles. Si tout le monde s’accorde sur ce principe, ses déclinaisons ont pu s’avérer au cas par cas plus complexes. L’observation des médias américains depuis 2001 fournit un bon nuancier in vivo du positionnement de médias nationaux face à l’engagement militaire de leur pays. Il n’est sans doute pas de domaine dans lequel sens des responsabilités et solidité des fondamentaux professionnels ne puissent davantage être mis en tension.

- l’engagement militaire national, même coalisé, reste aujourd’hui un thème couvert presque uniquement par la presse nationale. Dans tous les pays européens, les médias d’un pays ne s’intéressent qu’exceptionnellement à l’action des forces d’un autre État membre et la plupart du temps dans un but de comparaison. Quand le conflit devient un collectif, le média reste d’abord national pour une opinion nationale.

La période récente, qui va de la guerre de libération du Koweït à l’Afghanistan, s’est caractérisée par une redécouverte par toutes les armées occidentales de la relation aux médias. Les moyens mis en place ont été renforcés et professionnalisés, notamment pour tenir compte de l’accroissement considérable du n ombre des journalistes présents sur un théâtre d’opération. Cela n’a pas pour autant nécessité une redéfinition des fondamentaux de la relation médias-parties au conflit. Les principes en étaient déjà stables. Sur les théâtres d’opération, l’autonomie des médias dans leur action, la distinction absolue entre propagande et information se sont imposées comme autant d’évidences, au moins dans les pays démocratiques. Ces principes sont suffisamment forts et consensuels pour pouvoir être affirmés dans une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. La résolution 1738 du 23 décembre 2006 confirme l’assimilation, en droit des conflits armés, des journalistes aux civils, avec les protections afférentes. Elle demande instamment à toutes les parties concernées, en période de conflit armé, de « respecter l’indépendance professionnelle et les droits des journalistes, des professionnels des médias et du personnel associé, qui sont des civils ».

En revanche, deux facteurs de transformation sont à l’œuvre. Le premier tient aux évolutions technologiques, et plus accessoirement économiques, des médias eux-mêmes (1). Le second est de nature opérationnelle. C’est le passage du modèle du conflit frontal au modèle contre-insurrectionnel et/ou asymétrique (2).

Diffusée fin 2009, la remarquable série documentaire « l’Amérique dans la guerre » montrait les images des Américains rassemblés autour des radios le D-Day, avec une information presque immédiate sur les opérations en cours. Si le temps court n’est donc pas nouveau, plusieurs évolutions techniques et économiques modifient la façon dont les médias couvrent les conflits. J’en donnerai ici trois exemples. Tout d’abord, avec internet, l’opinion a instantanément accès à l’expression directe de l’acteur individuel, présent au cœur du conflit (blogs de soldat, communautés Facebook de proches). Cela constitue une rupture essentielle car la connaissance de ce qui se passe sur le terrain ne passe plus uniquement par le duopole classique du communiqué de l’État major et des dépêches des journalistes.

De surcroît, cette nouvelle voix, parce qu’elle est celle de l’individu, du témoin, acquiert une crédibilité immédiatement forte dans une société qui valorise tout ce qui ne lui semble pas être l’expression d’une institution, qu’elle soit étatique ou médiatique. Est d’abord crédible l’autre moi-même qu’est le témoin. Est attractive l’histoire individuelle, l’expérience personnelle. Depuis Fabrice Del Dongo, on sait pourtant que l’individu pris dans la fureur de la guerre, n’est pas en posture de saisir la bataille dans sa globalité. Mais cela répond à l’attente actuelle, moins fondée sur le besoin de sens global que de partage, souvent émotionnel, de vécu personnel.

Ensuite, pour les mêmes raisons techniques, le discours de l’adversaire qui ne pouvait que marginalement toucher une opinion nationale (la censure de surcroît y veillant durant les deux guerres mondiales) est devenu aisément et directement accessible à celle-ci. La question classique de savoir si et comment des médias peuvent ou doivent exprimer les vues de l’adversaire est ainsi profondément renouvelée, sans qu’elle perde pour autant son intérêt conceptuel et déontologique.

Enfin, la forme de la couverture des conflits suit les évolutions générales du secteur des médias. Les reportages d’informations classiques cèdent le pas à des couvertures de type magazine. Les diffuseurs font de plus en plus appel à des sociétés de productions généralistes, qui couvrent un conflit comme un autre sujet. Les coûts des polices d’assurance, le prix "élevé" du maintien d’une présence pérenne sur place, sont des paramètres financiers qui pèsent sur les choix faits par des titres trop souvent mal-en-point. Sont couverts les conflits chauds, les autres étant absents ou ne retrouvant qu’une actualité ponctuelle à l’occasion d’un incident (un exemple emblématique en ayant été le Kosovo). Le modèle du grand reporter, expert installé et reconnu couvrant tous les théâtres, devient financièrement coûteux et recule, au point que des professionnels s’interrogent sur sa pérennité. Sans suggérer une dégradation de la couverture médiatique, celle-ci se transforme.

De tous ces facteurs, c’est évidemment internet qui porte en lui le plus grand potentiel d’évolution. Il est trop tôt pour que les armées impliquées dans les conflits actuels en aient tiré des conséquences généralisables. Il est très peu probable que cela conduira de toute façon à une redéfinition stratégique des rapports avec les médias.

Le rapport médias-parties est aussi naturellement influencé par les caractéristiques opérationnelles et stratégiques propres à chaque conflit.

La nature des conflits est par nature évolutive. Il n’y a pas de modèle type ni définitif. Le constat actuel est que le conflit classique de front linéaire opposant des armées constituées, a été remplacé "aujourd’hui" par des situations asymétriques plus complexes, où affrontement coexiste avec reconstruction, où l’adversaire ne s’identifie pas à chaque instant. La dureté et l’incertitude, et donc le risque, se sont accrus. Dans le même temps, les règles de protection des journalistes ne sont pas respectées, ceux-ci constituant dans certains cas une cible prioritaire. De ce fait, certains lieux de conflit sont très peu couverts par les médias, le risque étant trop grand. Pour les rédactions des grands titres, il demeure possible de former leurs membres aux comportements à adopter (formation assurée gratuitement par le ministère de la Défense en France, par des sociétés privées en Grande-Bretagne), de financer des équipements de protection. Pour les pigistes et les free lance qui partent seuls, ces coûts sécuritaires sont potentiellement prohibitifs. Une absence des médias d’un lieu de conflit, bien loin de répondre à un objectif des armées occidentales, serait tout au contraire pour elles une réelle préoccupation.

Les conflits asymétriques et contre-insurrectionnels sont ceux où la communication prend une dimension absolument décisive, ce que les « opposants » à l’action des coalitions ont parfaitement compris. La désinformation ou l’action psychologique sur les opinions publiques est une arme du fort au faible. Le soutien de l’opinion est classiquement fonction de la légitimité qu’elle reconnaît à l’opération, de l’utilité qu’elle lui attribue face à l’effort consenti et enfin, de sa perception de la probabilité de succès. C’est chacun de ces trois axes qui font donc l’objet d’actions. En Afghanistan, le général Mac Chrystal se fixe comme premier objectif de gagner la « reputation war ». Enfin, cyber-attaques et terrorisme induisent eux aussi un rapport médias-État-opinion qui partage les mêmes fondamentaux avec les conflits armés mais peut s’incarner dans des modalités différentes.


La capacité d’un pays à s’engager dans un conflit et plus encore à poursuivre son effort dans la durée est, dans un État démocratique, évidemment fonction du soutien de l’opinion. Celle-ci façonne son appréciation de façon complexe et évolutive, les médias contribuant directement, comme c’est leur rôle, à ce processus. La sophistication, l’éloignement géographique des conflits, la technicité de l’action militaire (de moins en moins directement compréhensible dans des pays où la conscription a disparu) appellent des médias nombreux et professionnels et une relation médias-Défense mature et responsable ?

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

Quelle est la particularité de l'élection présidentielle ?

 

La particularité de l'élection présidentielle réside dans le rôle éminent du président de la République dans les institutions de la Ve République. Ce rôle a été renforcé par la réforme de 1962 qui a instauré l'élection du chef de l'État au suffrage universel.

Dernière modification : 20 décembre 2021

Le président de la République, "clé de voûte des institutions"

La Ve République confère au président de la République une centralité à contre-courant de toute l’histoire constitutionnelle française antérieure.

L’élection du Président au suffrage universel, que le général de Gaulle n’avait pas mise en place en 1958, résulte d’une réforme de 1962 largement combattue à l’époque par les parlementaires. Pour marquée leur opposition, les députés ont d'ailleurs voté une motion de censure à l'égard du gouvernement de Georges Pompidou.

L'adoption de cette réforme a transformé le fonctionnement des institutions, passant d'’un régime d’assemblée à un régime plus présidentiel. Depuis la première élection du président de la République au suffrage universel organisée en 1965, l'élection du chef de l'État tend à commander toutes les autres élections. Ce caractère fondamental de l'élection présidentielle a été encore renforcée après la réforme de 2000 sur le quinquennat. La réduction de la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans s'est accompagnée d'un "inversion du calendrier électoral" pour les élections de 2002. Depuis cette date, les élections législatives se déroulent immédiatement après la présidentielle. Les législatives tendent ainsi à confirmer le résultat de l'élection présidentielle.

Le rôle clé de l’élection présidentielle est acquis pour tous les acteurs :

  • les politiques eux-mêmes (les petits partis savent que cette élection est une tribune qu’il serait dommage de boycotter, quoi qu’ils pensent par ailleurs de la prééminence présidentielle) ;
  • les journalistes et commentateurs, qui alimentent un feuilleton parfaitement ajusté aux canons médiatiques (hyperpersonnalisation, élimination en deux temps des candidats, duel entre les deux tours, etc.) ;
  • les électeurs enfin qui, même lorsqu'ils ne s’intéressent que modérément à la politique, acceptent volontiers de se prendre au jeu. Même dans un contexte de recul de la participation électorale, l’élection présidentielle est le scrutin pour lequel les Français se déplacent le plus volontiers.

Le rôle symbolique du président de la République dans les régimes parlementaires

Le rôle du président de la République français est atypique par rapport aux régimes parlementaires classiques.

Dans ces régimes, seule l’assemblée souveraine dont émane le Premier ministre est élue, le chef d’État n’ayant qu’un rôle symbolique (c’est le cas dans les monarchies britannique, belge ou espagnole, mais aussi pour la présidence allemande ou italienne).

L’élection directe du président relève davantage des régimes présidentiels comme celui des États-Unis (encore que le système des grands électeurs relève du suffrage universel indirect) ou du Brésil.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard  

 

Présidentielle 2022: des journalistes appellent les candidats à respecter la liberté de la presse

La France est entrée dans une campagne électorale où passions et tensions s’exacerbent. Nous, sociétés de journalistes et sociétés de rédacteurs, déplorons la manière dont plusieurs de nos confrères ont été traités récemment par des militants ou des équipes de candidats : menaces, agressions, exclusions d’événements de campagne…

Dans un contexte où les menaces envers les journalistes sont de plus en plus fréquentes, nous appelons tous les candidats déclarés à l’élection présidentielle à s’engager publiquement à respecter le fait que tous les journalistes puissent couvrir la campagne dans des conditions satisfaisantes.

Nous leur demandons solennellement de :

  • Garantir, sans aucune discrimination, le libre accès aux diverses réunions et manifestations publiques, selon les conditions habituelles d’accréditation ;

  • S’abstenir de prendre la presse pour cible dans des termes susceptibles de créer un climat hostile préjudiciable à la liberté d’information ;

  • S’assurer que l’intégrité physique des journalistes soit pleinement préservée lors des événements dont ils ont la responsabilité.

Nous enjoignons aux candidats de prendre la pleine mesure des conditions de plus en plus critiques dans lesquelles travaillent les journalistes. La santé démocratique de notre pays aurait tout à perdre d’atteintes répétées au libre exercice de leur métier.

Après les violences qui ont émaillé un meeting dimanche dernier et qui ont entravé le travail de plusieurs journalistes, nous souhaitons rappeler solennellement la liberté de l’information dans notre démocratie et la nécessité impérieuse pour nos journalistes de pouvoir exercer leur métier dans des conditions de sécurité élémentaires, notamment lors de la couverture des meetings. Devant la multiplication des incidents entravant ces derniers mois le travail de nos rédactions, nous en appelons à la responsabilité de chacun des candidats afin que la couverture de cette campagne électorale puisse se dérouler de manière exemplaire.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard