Nouveaux médias ?

 

 

 

Alors que la rentrée 2018 a vu naître de nombreux médias, sous des formes variées (webTV avec Le Média et La France Libre, hebdomadaires papiers, pure player...), nous avons fait le point avec  Gabriel Vialy  journaliste sur le renouvellement des pratiques d'accès à l'information.

Il faut d'abord partir d'une tendance de fond qui est celle de la fragmentation des publics, soit un déclin sensible des mass media. Ceci libère des espaces qui peuvent être investis par des projets journalistiques qui vont permettre de redévelopper des formes de récit ou des manières de traiter l'information qui avaient sensiblement décliné: le reportage au long cours, l'enquête, les portraits, les interviews approfondies, etc. C'est également une opportunité de s'adresser à des publics beaucoup plus circonscrits selon leurs goûts, leurs valeurs, leurs convictions. Paradoxalement, alors que la seconde moitié du XXe siècle avait vu décliner la presse d'opinion, la période contemporaine se prête au contraire à un journalisme d'engagement, notamment politique, philosophique, celui-ci fut-il dans le cadre de médias de niche. 

Il y a un besoin d‘approfondir, accéder à un décryptage, prendre le temps et le plaisir de s'immerger dans des récits longs, lents, esthétiquement travaillés.

Pour comprendre la multiplication de ces projets éditoriaux de journalistes, il faut repartir d'un constat sur les usages. D'un côté les techniques contemporaines - à commencer par le numérique - ont permis une formidable accélération du traitement de l'actualité, avec une omniprésence de cette forme d'information sur une multiplicité de supports. C'est le flux, dont nous pouvons de moins en moins nous passer, où que nous soyons, quel que soit le moment de la journée. Le revers de la médaille, c'est la redondance et une certaine superficialité: pas le temps d'approfondir des formats courts, pas toujours suffisamment vérifiés ou hiérarchisés. Face à ce que d'aucuns nomment «infobésité» se renforce un besoin de «pas de côté»: approfondir, accéder à un décryptage, prendre le temps et le plaisir de s'immerger dans des récits longs, lents, esthétiquement travaillés. C'est sur cette veine que se sont engagés hier des pionniers comme XXI, 6 mois, Médiapart, etc. Il y a eu des déconvenues, mais aussi d'incontestables succès. Il est donc normal que des vocations se lèvent avec ce que l'on pourrait appeler un véritable bouillonnement.

On est surpris de voir, parmi eux, plusieurs nouveaux médias qui investissent encore dans le «Print». Pensez-vous que la presse écrite ait encore sa place dans l'avenir ?

Dans les nouveaux concepts éditoriaux, les supports ne sont que l'une des composantes des projets. Le choix du support est affaire de publics, de «contrat de lecture», de service ou de plaisir esthétique offert au public visé. Je ne suis pas très inquiet de l'avenir de l'imprimé pour cette forme de presse, au public très ciblé. Plus compliquée est la question de l'imprimé pour les gros volumes, traitant d'une actualité immédiate. En fait, pour ces nouveaux magazines l'avenir de l'imprimé est moins affaire de goût du public que de pérennité du système de distribution comme le montrent les crises à répétition de Presstalis, pour la France. 

Les Français s'intéressent-ils toujours autant à l'actualité aujourd'hui qu'hier? Comment évolue le rapport aux médias des jeunes générations (les enfants du troisième millénaire) par rapport à leurs aînés ? 

Il est difficile de donner une réponse simple à cette question et les sondages sur le sujet, tel que le «baromètre sur la confiance des Français dans leurs médias» publié depuis 30 ans par La Croix, donnent des résultats très variables d'une année sur l'autre. C'est normal, car les pratiques d'information se diversifient et se complexifient. Le risque serait de s'en tenir à la seule fréquentation ou motivation pour l'information dans ses formes canoniques, tels que le JT de 20 heures ou la lecture du quotidien le matin.

Les plus jeunes publics révèlent en l'occurrence l'une des transformations du rapport à l'information les plus lourdes de conséquences pour les médias, mais aussi sans doute pour ce qu'a été jusqu'ici la place l'information dans nos sociétés. Il se produit chez eux en effet un basculement: avant, s'informer c'était se tourner vers les journaux, radios, chaînes de télévision de son choix, tandis qu'à présent la recherche de l'information est souvent «horizontale», au sens où l'individu prend appui sur les vecteurs de communication qui lui sont le plus familiers, réseau social, plateforme d'échange vidéo, moteur de recherche, etc. Dans cette recherche, les recommandations de ses «amis», des personnes qu'il suit, vont éventuellement lui suggérer des liens avec des contenus de médias, mais aussi de bien d'autres sources qu'il s'agisse d'entreprises, institutions, groupes de pression, voire officines poursuivant des objectifs divers d'influence, passant parfois par de la désinformation. D'où la place que prennent soudain les complots et «fake news».

Justement, à propos de cela, Françoise Nyssen a présenté la semaine dernière les contours de la future loi sur les fausses informations. Est-ce à l'État de lutter contre les «fake news» ? 

Je ne crois pas à l'efficacité d'une nouvelle loi dans le domaine des «fake news».

Personnellement je ne crois pas à l'efficacité d'une nouvelle loi dans ce domaine. D'autant que des textes existent sur les «fausses nouvelles», dans la loi fondatrice de la liberté de la presse en France, la loi de 1881. Là où l'État a en revanche un rôle à jouer, c'est en amont, notamment en matière d'éducation aux médias. À l'école d'abord, mais aussi auprès des adultes, via l'accompagnement de démarches associatives par exemple sur le sujet. Il serait peut-être temps pour que dans ce domaine le ministère de l'Éducation Nationale passe véritablement de la parole aux actes, donnant à l'éducation aux médias une place dans les enseignements, et s'assurant que ceux qui les dispensent sont formés.

Mais la responsabilité de l'État peut être aussi dans la simplification de l'accès aux données publiques, là où la tradition est de multiplier les «secrets». Que penser notamment de ce jugement récent qui condamne un média pour avoir révélé des informations qui iraient à l'encontre du secret dont aurait besoin la vie des entreprises?

Que vous inspire cette phrase du Président Emmanuel Macron lors de ses vœux à la presse: «il n'a jamais été aussi facile de se prétendre journaliste» ? 

Cette phrase m'a surpris. Prise au premier degré, elle est complètement fausse tant le métier de journaliste s'est professionnalisé. Les premières écoles de journalisme émergent à la fin du XIXe siècle et elles s'imposent vraiment à partir des années soixante-dix ou quatre-vingt. Et encore, des études sur cette époque montrent que la formation au journalisme ne concerne qu'une minorité de la profession (15 à 20 %). Aussi est-il possible d'affirmer que jamais les médias n'ont employé autant de journalistes formés à ce métier qu'aujourd'hui.

Au second degré - «en même temps» pourrait-on dire - le président pointe probablement cette transformation du paysage de l'information évoquée plus haut, notamment ces «plateformes». Celles-ci mettent sur le même niveau les journalistes professionnels et une multitude d'autres sources, pas forcément compétentes et pouvant poursuivre d'autres buts que de rendre compte fidèlement de la réalité des faits. La question se complique du fait que la confiance dans ces différentes sources ne va pas automatiquement aux plus professionnels, aux médias d'information. Les recherches sur le sujet sont encore jeunes. D'aucuns avancent cependant l'idée selon laquelle, sur les réseaux sociaux, la confiance va plutôt à nos amis qui sont dans la même «bulle» que nous, pour reprendre l'expression utilisée à propos de Facebook. 

Assiste-t-on à l'effacement des frontières entre les réseaux sociaux et la presse? Et si porosité il y a, cela vous inquiète-t-il ? 

Il n'y a pas à proprement parler un effacement des frontières entre les réseaux sociaux et la presse, mais une imbrication toujours plus grande. La balle est d'abord dans le camp des entreprises de médias. L'enjeu est ici celui de la crédibilité. Les études que j'ai menées dans ce domaine montrent que le public est toujours plus exigeant en matière de fiabilité de l'information, car elle est devenue une ressource dans la vie des individus. Les attentes concernent également le respect d'un certain nombre de valeurs et de principes éthiques, tel que le respect des personnes, leur vie privée, leur intimité. À commencer par les plus fragiles. Il faut aussi prendre toute la mesure du rejet des conflits d'intérêt. Le sujet est particulièrement épineux à propos de la publicité, face à l'effondrement des ressources issues de celle-ci. Alors que les médias d'information s'interrogent sur des formes qui combinent information et promotion d'un annonceur ou d'un produit.

Enfin, les médias sous influence étrangère sont-ils vraiment ces pourvoyeurs de fausses nouvelles et ces appareils déstabilisateurs que semble tant redouter Emmanuel Macron? Quelle est leur influence réelle ? 

Il n'y a pas à proprement parler un effacement des frontières entre les réseaux sociaux et la presse, mais une imbrication toujours plus grande.

Le phénomène de médias développés par des États ou pour le compte d'États n'est pas en soi nouveau. Que l'on se souvienne des moyens mis à l'Est comme à l'Ouest dans ce domaine durant toute la guerre froide. D'une certaine manière, ces médias venant de l'étranger, avec intention d'interférer sur la vie politique ou intellectuelle d'un pays sont une forme de renaissance du phénomène, sous des formes nouvelles. Hier on parlait de propagande, d'intoxication ou de désinformation, aujourd'hui plutôt de complots et de «fake news». Force est de constater que leur rôle a été démultiplié grâce à l'appui, fut-il passif, des différentes plateformes numériques notamment lors des campagnes du Brexit ou des présidentielles américaine et française. Comme toujours lorsqu'il est question d'évaluer l'impact de tels phénomènes, il faut être prudent. C'est tout l'apport des recherches, notamment nord-américaines sur la réception de ces informations. Nous savons qu'il y a là un énorme écart entre ce qui est diffusé et publié, et ce qui est reçu et cru. Nous savons que dans ce domaine chaque individu fait intervenir sa liberté, ses valeurs, son expérience personnelle. Autrement dit, il conviendrait de travailler et lancer des recherches sur ce sujet. C'est ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis, à propos de la dernière présidentielle. Je crains qu'en France la tendance soit de légiférer d'abord.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

 

Exercice du droit de réponse à un article de presse

Contrepartie essentielle au principe phare de la liberté d'expression, le droit de réponse à un article de presse est précisément encadré par la loi de 1881.

En effet, l'article 13 de la loi sur la liberté de la presse donne le droit à toutes personnes physiques ou morales visées par un article de presse de rédiger une réponse afin que cette dernière soit diffusée par l'organe ayant émis l'article litigieux.

Le droit de réponse doit provenir des personnes directement mises en cause dans un article de presse. S'il s'agit d'une personne morale, cette dernière doit donc agir par la voix de ses représentants.

Il est à noter que le terme « article de presse » est appréhendé de façon restrictive par la jurisprudence, qui exige que le droit de réponse fasse suite à un article rédigé. La simple illustration annotée n'est donc pas suffisante.

Aussi, cet article de presse doit émaner d'un périodique, sans considération de sa fréquence d'émission. Le droit de réponse ne peut donc faire suite à une publicité ou à un simple tract.

Ce droit de réponse constitue un principe général et absolu et ne peut être refusé par l'organe de presse visé.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

 

Tous nos vœux pour 2018 du Conseil de l’Ordre des Journalistes de France

Chères toutes et chers tous,

Je vous remercie de votre présence à ce premier rendez-vous important de la vie républicaine car il me permet de vous adresser mes vœux pour 2018, ce nouveau millésime.

Je suis heureux de vous retrouver pour vous présenter mes meilleurs vœux pour l’année 2018 qui arrive à nous. Je formule pour vous-mêmes et vos proches des vœux de sérénité et d’épanouissement.

Je me permets d’ajouter que je vous souhaite que l’année soit douce.

Le COJF vous souhaite à vous et vos proches une très belle année 2018, une année de combat, mais aussi de tolérance et de fraternité, il y en aura besoin dans le contexte électoral incertain qui s'annonce. L’actualité de la profession, la liberté d'informer, sans cesse menacée, doit être défendue avec force

"La France est attachée profondément à la liberté de la presse, et donc à l’indépendance des médias, dans un monde."

 Plus que jamais, notre COJF, qui célébrera en 2018 ses 9 ans d'existence, est mobilisé pour promouvoir l'indépendance des médias, le pluralisme des opinions, et une charte d'éthique commune à toute la profession, afin de garantir le droit du public à une information de qualité, complète, et libérée de tous les pouvoirs.

Je remercie l’entourage des collaborateurs les plus proches, celles d’abord qui sont demeurées auprès de moi et auxquelles j’exprime une particulière reconnaissance, celles et ceux qui sont arrivés, les autres aussi qui ont fait le choix personnel de se tourner vers d’autres activités.

Vous pouvez en être sûrs, je vous écoute, je vous comprends, je vous respecte, professionnels de grande qualité dans votre diversité qui faites face à tant de difficultés mais parvenez aussi à tant de réussites, journalistes dont la liberté d’appréciation est si précieuse.

J’adresse à chacune et chacun d’entre vous ainsi qu'à ceux qui vous sont chers mes vœux les plus sincères de bonheur et de bonne santé pour cette nouvelle année 2018.

 

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

 

Le président de la République Emmanuel Macron veut notamment créer Un arsenal législatif pour lutter contre les « fausses nouvelles »

 

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Ce qu'il faut retenir des vœux à la presse d'Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron a renoué avec la tradition des vœux à la presse délaissée par François Hollande. Le chef de l'Etat a prononcé un discours, mercredi 3 janvier, de plus de trente minutes uniquement dédié aux enjeux de la presse, sans l'habituel jeu de questions-réponses. Voici les principales annonces du chef de l'Etat.

Un poste spécial à la protection des journalistes à l'ONU

Emmanuel Macron a rappelé qu'il a plaidé, lors de son intervention à l'Assemblée générale des Nations unies en septembre, pour "la création d'un poste de représentant spécial du secrétaire général à la protection des journalistes". Cette requête a été accueillie favorablement par António Guterres, le secrétaire général de l'ONU, a ajouté le chef de l'Etat. Une mission pour installer ce poste a déjà été mise en place.

Une loi pour lutter contre les "fake news" 

Emmanuel Macron a annoncé vouloir "faire évoluer le dispositif juridique pour protéger la vie démocratique des fausses nouvelles". Une loi pour renforcer le contrôle sur internet en "période électorale" devrait donc prochainement être déposé, a annoncé le chef de l'Etat.

Dans ses grandes lignes, la nouvelle loi devrait imposer "des obligations de transparence accrue sur tous les contenus sponsorisés afin de rendre publique l'identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent, mais aussi de limiter les montants consacrés à ces contenus", a-t-il précisé.

Emmanuel Macron a aussi annoncé la création d'"une nouvelle action en référé permettant le cas échéant de supprimer le contenu mis en cause, de déréférencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l'accès au site internet", a-t-il poursuivi.

Emmanuel Macron a annoncé que cette nouvelle législation transformerait le rôle du CSA qui verra ses pouvoirs élargis. "Les pouvoirs du régulateur (...) seront accrus pour lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des Etats étrangers", a annoncé le président. "Cela permettra au CSA repensé notamment de refuser de conclure des conventions avec de tels services en prenant en compte tous les contenus édités par ces services, y compris sur internet", a-t-il ajouté.  

Depuis son élection, Emmanuel Macron s'en est particulièrement pris aux médias russes RT et Sputnik pour avoir joué un rôle "d'organes d'influence (...) et de propagande mensongère" pendant la campagne présidentielle en propageant des rumeurs à son sujet.

Un projet de loi sur l'audiovisuel public 

Emmanuel Macron a également confirmé la présentation en Conseil des ministres d'un projet de loi sur l'audiovisuel public. "A la fin du premier trimestre 2018, des propositions partagées, chiffrées et structurées, construisant un scénario de transformation à mettre en œuvre seront rendues par la mission sur laquelle s'appuie la ministre de la Culture (Françoise Nyssen). (Elles) seront la matière d'un débat que nous voulons large avec l'ensemble des professionnels", a déclaré le président de la République.

Le président de la République a d'ores et déjà fixé des priorités : "une information de qualité", le "développement d'une information de proximité", des "programmes distinctifs", favoriser des "coproductions européennes", "développer une offre numérique capable de faire concurrence aux plateformes digitales".

Une "saine distance" entre pouvoir et médias

Le chef de l'Etat a également plaidé pour une "saine distance" entre pouvoir et médias, critiquant une "proximité" qui nuit selon lui à l'action publique. "Trop souvent, pouvoir et médias ont donné l'impression d'une complicité, et parfois d'une brutalité qui était son revers, dont (la) dignité démocratique fut la première victime", a déclaré le président de la République.

"C'est pourquoi je crois beaucoup plus fécond que chacun exerce son rôle dans son intégrité, à distance des tentations de castes et de pugilats outranciers et avec un retour aux fondamentaux qui est d'abord le respect",a-t-il ajouté. "La proximité à laquelle nous avions pu parfois nous habituer n'était bonne ni pour le pouvoir politique ni pour l'exercice du métier de journaliste. Parce qu'elle a consisté parfois à donner plus de place à des propos d'antichambre qu'aux propos tenus de manière officielle", a estimé Emmanuel Macron en visant implicitement son prédécesseur François Hollande.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 



LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE

Liberté paradoxale parce que c’est celle à laquelle nous somme le plus attaché. C’est pourtant l’une des plus dures à présenter. Il existe un contraste frappant entre la certitude de sa valeur juridique et une très grande incertitude quant à sa définition.

 


La liberté de conscience est reconnue par les documents auxquels la France a adhéré. Cette liberté bénéficie d’un double fondement constitutionnel : Décision du 25/11/1977 qui fonde la liberté de conscience sur l’article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et il y a vu un PFRLR.

I/ Une définition incertaine

On peut d’abord noter la très grande diversité terminologique relative à cette liberté quand elle est abordée par les auteurs ou par des personnes extérieures au droit.

Cette liberté apparaît très liée à la liberté de culte, de religion, d’expression.

Quant aux qualifications proprement dites, on la qualifie de liberté de conscience intellectuelle, spirituelle, d’opinion, de croyance ou de conviction.

Elle apparaît une liberté fragile par rapport aux libertés physiques. Hauriou expliquait que les droits antiques avaient consacré les libertés de l’Homme physique pour plus tard diffuser la notion de liberté de conscience.

Riveiro plaçait cette liberté au cœur même de la liberté de penser. C’est l’un des auteurs qui a le plus réfléchi sur ce que caractérisait cette liberté. Elle est « la liberté d’opinion portant sur des questions morales et religieuses ».

On peut présenter la liberté de conscience comme une liberté stratifiée car elle a une unité diversifiée :

  • On trouve la liberté de croyance au sens religieux, ou d’incroyance. Bref liberté de faire tes choix dans le domaine religieux.
  • On peut aussi trouver la liberté de conviction morale et philosophique qui découle des choix faits.
  • Liberté d’opinion relative à tout ce qu’il reste (météo, résultats sportifs…)

L’état n’a pas à prendre parti sur tous ces choix donc on parle de liberté de conscience. Mais le terme n’est pas fixé.

Les juristes ont le sentiment que cette liberté et une de celle qui leur échappe : Dans la littérature consacrée à la conscience humaine on trouve plus d’ouvrage à caractère théologique que d’ouvrages juridiques.

La conscience est présentée comme le sanctuaire au sein duquel l’homme dialogue avec Dieu. Le principe même d’un choix fait en conscience a toujours été rappelé.

On trouve encore des réflexions au niveau philosophique où la conscience est valorisée comme étant le lieu où l’homme prend ses décisions fondamentales : C’est la plus grande liberté pour certains auteurs.

Les juristes ne s'intéresseraient pas à ces questions et ils ont tendance à concevoir que cette liberté est hors d’atteinte car on ne peut pas porter atteinte directement à cette liberté. Sans négliger toutefois que certains régimes totalitaires s’étaient attaqués à la liberté de conscience : Les camps de concentration qui réduisaient les individus à des objets ou des numéros.

Reconnaissance du caractère intangible de la liberté de conscience. Article 4 du Pacte civil et politique a un caractère intangible.

Il est fâcheux que la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales n’ait pas reconnu cette liberté comme l’une à laquelle on ne peut déroger au sens de l’article 15.

Toutefois en lisant l’article 9 on se rend compte qu’il est possible de limiter l’expression de cette liberté mais non pas cette liberté en elle-même.

Que signifie la proclamation de la liberté de conscience ?

Elle signifie que l’on attend de l’état libéral autre chose que de ne pas être un état totalitaire. On attend sans doute qu’il reconnaisse cette liberté comme étant le fondement d’autres libertés : Cultes, religions, pensé, et même économique.

On attend aussi de cet état qu’il protège la conscience en favorisant le développement de la conscience individuelle et personnelle dès la plus petite enfance.

D’où toute une série de règles tendant à protéger la conscience de l’enfant afin que l’adulte puisse bénéficier de ce que les théologiens appellent une conscience éclairée.

II /La portée de la liberté de conscience en droit Français

Il faut distinguer selon que l’on se situe dans les relations administration / Administrés ou dans les relations entre personnes privées.

a)     Administration / Administrés

Dans ces relations, la liberté de conscience est censée être protégée par le biais du principe de laïcité de l’état.

Laïcité constitutionnelle puisque la Constitution de 1958 proclame dans son article 1er que la France est une « république indivisible, Laïc et indissociable ».

La laïcité est devenue constitutionnelle depuis 1946. Mais on peut situer l’origine en 1905 avec la séparation…

Mais en réalité on est parti d’une laïcité philosophique et militante, c'est-à-dire d’une idéologie qui avait pour but de se substituer aux croyances religieuses. On voulait remplacer ces croyances pour lutter contre les obscurantismes et s’insérer dans une politique de progrès. 

Cette définition de la laïcité n’a pourtant jamais trouvé sa place en droit. L’interprétation donnée par les juridictions mais aussi par l’administration a fait de la laïcité le synonyme d’une notion de neutralité. L’état Laïc est l’état NEUTRE.

R.SCHUMAN avait accepté cette reconnaissance de la laïcité en expliquant que cela signifiait que l’état devait être neutre et impartial, et respecter toutes les options qui étaient celle des individus.

Le blême c’est que la plupart des états politiques et libéraux sont neutres et impartiaux. Donc la France n’est pas originale et pourtant c’est la seule à se revendiquer laïc. Donc elle a peut-être une conception particulière.

La neutralité est respectée par l’Administration qui ne doit pas faire état ou connaître les convictions de l’individu. Ceci a rarement été affirmé au contentieux. Conseil d'Etat, 9/07/1943, FERAND : Le Conseil d'Etat estime qu’est illégal le fait pour un préfet d’exiger que les fiches qu’on remplissait dans un hôtel portent la mention RELIGION.

On ne peut pas écarter la candidature de quelqu’un du fait de sa croyance.

En revanche, l’Administration qui ne peut pas non plus écarter les convictions politiques, peut éventuellement prendre en compte l’extériorisation de ces conventions.

Donc les administrés doivent être traités en toute neutralité ; principe que doivent respecter les agents de l’administration.

Les Bâtiments publics ne doivent plus comporter d’emblèmes religieux ou autres.

Dès la loi de 1905 on  a voulu que les individus puissent exercer librement leur liberté de culte ou de religion. Donc on a reconnu le droit de mettre en place des aumôneries.

Exemple, les internats scolaires, les hôpitaux, les taules, les enceintes militaires ont des aumôneries.

Fonctionnement des abattoirs municipaux est régi par des réglementations sur la santé publique : Etabli en fonction des convictions du plus grand nombre mais l’abatage pourrait choquer des personnes d’un certain culte qui abattent les animaux différents.

Conseil d'Etat, 25/11/1994, ASSOCIATION CULTUELLE ISRAELITE : Les prescriptions de la religion juive doivent être respectées au niveau des abattoirs.

Donc l’Administration doit tenir compte des spécificités des diverses religions.

L’Administration doit aussi tenir compte d’un certain nombre de réglementations, de comportements, des clauses de conscience.

Exemple : Pour le service militaire si on faisait valoir une clause de conscience et bien on pouvait faire son service différemment.

Les clauses de conscience sont de plus en plus nombreuses à la lumière de la diversité sociale. Des dispenses peuvent aussi être accordées pour que des personnes ne travaillent pas un jour religieux.

En revanche, les clauses de conscience n’ont jamais été autorisées aux impositions fiscales ! Normal J

b)    Entre individus

Préambule de 46 : « Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, croyances et opinions »

Donc on ne peut pas au niveau de l’embauche, du règlement intérieur, prendre en compte les croyances ou incroyances, opinions des individus.

La liberté de conscience a donc une dimension collective qui caractérise la démocratie libérale ou la démocratie véritable.

La société civile doit permettre aux individus d’exprimer leurs croyances collectivement ou individuellement. Pour cela ils doivent avoir la possibilité de se regrouper par affinités (ou plus) : Groupements politiques, religieux ; syndicats etc…

Entreprises, groupements de tendances, la terminologie n’est pas fixée. Ces groupements ont besoin d’embaucher du personnel salarié et il serait absurde de leur imposer d’embaucher des personnes ne défendant pas leur conviction ou même combattent cette conviction.

Si on lit le code du travail c’est trop général ! Donc il faut se reporter à la Jurisprudence.

Dans un premier temps, la Cour de Cassation en assemblée Plénière, la 19/05/78, avait vue dans les convictions du salarié d’une entreprise de tendances, un élément de l’accord des volontés exceptionnellement incorporé au contrat de travail.

Une entreprise peut donc prendre en compte les convictions pour embaucher mais aussi pour virer.

Mais depuis un arrêt de la chambre sociale du 17/04/1991, c’est le bordel : La Cour n’admet plus que le licenciement fondé sur le comportement de l’individu qui compte tenu de la finalité de l’entreprise cause un trouble au sein de celle-ci a été licencié.

Critiquable car cela ne reconnaît pas assez la spécialité de ces groupements de tendance. 

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a été conduite à réfléchir sur ce qui était abusif ou pas de la part de certains groupes et de leurs membres : KOKKINAKIS c/ GRECE de 1993, la liberté de conscience et de religion représente une des assises des sociétés démocratiques.

Il en va du pluralisme ce qui inclut donc un certain droit au prosélytisme : Dans une démocratie pluraliste chacun a le droit de convaincre ses semblables de la justesse de ses convictions.

LA Cour ne donne pas les critères permettant de savoir ce qui est acceptable ou non de la part de ces groupements.

Mais en tous cas on ne peut pas violer les consciences, profiter de l’état d’une personne pour lui imposer ses opinions etc…bref la notion de conscience d’autrui est le critère qui permettrait de savoir ce qui serait acceptable dans le prosélytisme.

Le législateur a tenté de fixer ce qui n’était pas souhaitable : Le lavage de cerveau par exemple qui est utilisé par certaines sectes.

L’individu qui est privé de sa personnalité à la suite des traitements qu’on lui fait subir par exemple.

Le législateur a préféré sanctionner l’abus d’une situation de faiblesse, ce qui correspond plus à d’autres notions de droit commun.

Les droits fondamentaux sont durs à cerner. Il est quand même délicat de placer ces droits fondamentaux au fondement de l’ordre juridique et social sans définir qui est le titulaire de ces droits.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard