Journaliste, un sacerdoce entre passion et désenchantement

Être journaliste en 2019

À l’heure où le mouvement des gilets jaunes cristallise une certaine défiance envers les media, une étude* portant sur les conditions de travail et le moral des journalistes. 

« Se dresse le portrait d’une profession en difficulté croissante qui peine à concilier la passion d’un « métier-vocation » avec des conditions de travail de plus en plus précaires et une crise de confiance croissante de la part de ses concitoyens », commente Alexis Noal, Vice-Président chez ComCorp et responsable de l’étude.

Des conditions de travail qui se dégradent toujours un peu plus 

                   

 

Manque de moyens, de temps, de ressources, charge de travail qui explose, ce sont 70,55 % des 550 répondants qui déclarent que leurs conditions de travail se sont détériorées ces dernières années.

Beaucoup de journalistes déplorent la disparition des secrétariats de rédaction, des documentalistes, bref, de nombre de fonctions « support » qui font que le journaliste devient un véritable homme-orchestre qui, en plus de la collecte et du traitement de l’information, doit assurer relecture, maquettage, publication, correction, etc.

Symbole de cette dégradation : la proportion croissante des pigistes au sein des rédactions. Alors que la proportion de pigistes est globalement de 25,5 %, elle représente désormais 71,3 % des premières demandes de cartes de presse (contre 33 % en 2000**).

Viennent s’ajouter à ces contraintes matérielles, tout un ensemble de contraintes psychologiques qui conduisent 42 % à déclarer ne pas être libres d’exercer leur métier tel qu’ils le voudraient. Première contrainte : un rythme de production toujours plus élevé associé à une recherche du « buzz » permanente. Pour près de la moitié, les réseaux sociaux ajoutent également une forme de « concurrence déloyale » avec des personnes sans déontologie ni éthique, diffuseurs d’informations non vérifiées et qui deviennent des sources d’information aux yeux du grand public.

La thématique des « fake news » est d’ailleurs mise en avant comme ayant eu un impact majeur ou important sur la confiance que les Français font aux media pour 70 % des répondants.

Désamour et inquiétudes pour le futur 

Si on ajoute à ces facteurs le fait que près de 88 % des journalistes estiment que la profession de journaliste n’est désormais plus valorisée par les Français, il est logique que ressorte un pessimisme global sur les perspectives professionnelles réservées par leur profession (70 % n’ont aucune confiance en leur avenir professionnel) et plus de la moitié pense que les media traditionnels sont condamnés.

Il est d’ailleurs frappant de constater que seulement 32 % des journalistes déclarent ne pas envisager de se réorienter professionnellement contre 40 % qui l’envisagent et 17 % qui avouent déjà exercer une autre activité en parallèle.

Un métier qui allie passion et sens 

Mais le journalisme est une vocation qui n’est pas sans générer certains paradoxes. En effet, alors que 57 % ne recommanderaient pas à un jeune de se lancer dans des études de journalisme, ils restent une grande majorité (74 %) à réaffirmer que, si le choix leur était donné aujourd’hui, ils referaient la même carrière !

Et lorsqu’on leur demande de définir leur profession, les journalistes mettent en avant avec vigueur la passion qui les anime et la quête de sens qui habite ce « job pas comme les autres ». Au-delà des difficultés rencontrées, le journaliste continue donc de vivre sa mission d’information comme indispensable à la bonne marche de notre démocratie.

« Et si vous deviez résumer votre profession en un mot ? » 

 

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

Journée mondiale de la liberté de la presse 2019 : le journalisme à l’ère de la désinformation

Les relations entre les médias et la démocratie seront au cœur de la Conférence mondiale organisée du 1er au 3 mai à Addis-Abeba (Ethiopie) par l’UNESCO, le gouvernement éthiopien et la Commission de l’Union africaine à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée chaque année le 3 mai. Parallèlement, une centaine événements seront organisés dans le monde pour marquer cette Journée.

Comment le journalisme peut-il rivaliser avec le contenu émotionnel et les fausses informations dans un contexte électoral ? Que faire pour contrer les discours dénigrant les journalistes ? Dans quelle mesure les régulations électorales doivent-elles s’appliquer à Internet ? La Journée mondiale de la liberté de la presse, qui a pour thème cette année « Les médias pour la démocratie : Journalisme et élections en temps de désinformation » sera l’occasion de nourrir la réflexion sur ces questions d’actualité.

Le 1er mai, se tiendra une conférence académique qui présentera de nouvelles recherches sur la sécurité des journalistes. Son objectif est de favoriser les interactions entre les chercheurs et les acteurs politiques qui travaillent sur des sujets communs. Elle s’intéressera notamment à la sécurité des femmes journalistes et des journalistes dans un contexte électoral. Le programme de la journée prévoit également un « Laboratoire » sur le harcèlement en ligne des femmes journalistes et différentes sessions thématiques, notamment sur les médias et les élections en Afrique ou sur la réforme des médias en Ethiopie.

La Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, donnera le coup d’envoi le 2 mai de l’événement principal marquant les célébrations, aux côtés de la présidente éthiopienne, Sahle-Work Zewde ; de la secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, Vera Songwe et du vice-président de la Commission de l'Union africaine, Kwesi Quartey.

Au total, plus d’un millier de participants sont attendus : représentants de la société civile, des médias, des associations professionnelles, du milieu universitaire et du secteur judiciaire. La conférence s’articulera autour des sessions parallèles et plénières qui auront notamment pour thèmes : le renforcement du rôle des médias face aux nouveaux défis et les liens entre les médias, la démocratie et les élections.

La remise du Prix mondial de la liberté de la presse UNESCO/Guillermo Cano, dans la soirée du 2 mai, sera l’un des temps forts de ces célébrations. Attribué cette année par un jury international indépendant aux journalistes du Myanmar emprisonnés Kyaw Soe Oo et Wa Lone, il sera décerné par Audrey Azoulay en présence notamment du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed et du vice-président de la Commission de l'Union africaine, Kwesi Quartey.

Tout au long de la Conférence, une salle de presse sera mise à disposition de jeunes professionnels et d’étudiants en journalisme afin de leur donner la possibilité de rencontrer des confrères du monde entier et de couvrir un événement international.

Cette année l’UNESCO a également lancé la campagne « Défends le journalisme » qui invite les médias à montrer leur soutien à un journalisme libre et indépendant à travers de l’affichage de GIF et de bannières dans leur éditions imprimées et plateformes numériques.

La Journée mondiale de la liberté de la presse a été proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993 sur recommandation de la 26e session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991. Elle permet de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur profession.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

Les médias contribuent-ils au débat démocratique ?

Quelques pistes de réflexion

Les médias : des moyens d’expression essentiels au fonctionnement de la démocratie

  • Les médias, c’est-à-dire l’ensemble des moyens de de diffusion de l’information, sont un moyen d’expression essentiel pour les acteurs démocratiques et jouent un grand rôle dans la formation de l’opinion publique. Plaçant certains débats sur le devant de la scène, ils peuvent aussi en occulter d’autres. Ils sont donc soumis à une éthique : exactitude de l’information, respect de la vie privée, vérification des sources.

  • La presse peut constituer un moyen de contestation, ce qui explique que les premiers textes démocratiques aient consacré sa liberté. Par exemple, le 1er amendement, datant de 1791, de la Constitution américaine de 1787 stipule : "Le Congrès ne fera aucune loi portant atteinte à la liberté d’expression".

  • Il y a concomitance entre l’avènement du suffrage universel, au XIXe siècle, et le développement de la presse de masse. Au cours du XXe siècle, ce ne sont plus les seuls journaux, mais la télévision, le cinéma, la radio qui participent au débat démocratique. Au XXIe siècle, le développement d’Internet permet aussi le débat d’idées. Les nouvelles technologies incitent les organes démocratiques à modifier leur manière de travailler, en rapprochant la classe politique et les citoyens. Les médias complètent ici les vecteurs traditionnels de la démocratie en inventant de nouvelles formes d’information ou d’expression.

  • Les médias se sont eux aussi démocratisés parallèlement aux progrès de la démocratie. Leur accès est bon marché, aisé, équitable sur tout le territoire. Parfois courroies de transmission entre le pouvoir et le peuple (ex : l’ORTF à l’époque gaullienne), leur pluralisme aide au fonctionnement de la démocratie, dont il est une condition essentielle. Néanmoins, la disparition de la presse d’opinion, comme la pénétration des groupes financiers dans le monde des médias, sont des signes aussi d’uniformisation de l’information.

Les médias peuvent représenter un danger pour la démocratie

Les médias constituent-ils un quatrième pouvoir, à côté des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ?

  • La question de la transparence : si en démocratie, il est nécessaire de proscrire tout secret, faut-il pour autant tout porter à la connaissance du public (cf. l’affaire Monica Lewinski aux États-Unis sous la présidence de Bill Clinton) ? Il convient d’être attentif à la violation de l’intimité. Tout gouvernement a besoin d’une certaine part de secret au moins dans la préparation des décisions ou s’agissant des affaires internationales. En revanche, la démocratie exige la transparence absolue après-coup. 

  • Le risque de manipulation. Le financement des médias dépend de capitaux privés qui peuvent vouloir modifier l’information en fonction de leurs intérêts ou peser sur le fonctionnement démocratique. La concentration financière peut aussi altérer leur indépendance. Pluralisme des médias ne rime donc pas toujours avec pluralité d’opinions et diversité de l’information. De même, les sondages peuvent influencer, voire fausser, les comportements électoraux.

  • Les médias ne sont pas égaux. La télévision, média de masse, touchant des citoyens le plus souvent passifs, est accusée de simplifier les débats et de " faire " l’opinion, alors que la course à l’audience laisse peu de place au débat démocratique. Sensibles aux échos des médias, les hommes politiques sont accusés de façonner leur discours, non pas selon leurs convictions, mais selon l’état de l’opinion ou selon la vision des médias. Le débat d’idées et la démocratie de terrain céderaient alors le pas à la mainmise de la télévision sur les campagnes électorales.

  • L’importance des médias pour une élection pose aussi le problème de l’égalité d’accès entre les candidats. Les hommes politiques dépendent des médias et du format qu’ils imposent. La télévision, par exemple, conditionne certains comportements : il faut résumer en quelques instants des problèmes complexes (les " petites phrases ").

Médias et démocratie : une interdépendance 

  • L’État continue d’encadrer les médias. Il doit le faire démocratiquement (organes de contrôle non soumis aux pressions politiques, comme le CSA) afin de garantir l’égalité d’accès, le pluralisme de l’information, la neutralité de la presse dans le respect de la liberté d’opinion, etc. Ceci se justifie d’autant plus avec Internet, qui permet de contourner les barrières internes, de multiplier les forums de discussion, d’ouvrir de nouveaux espaces de liberté, mais aussi de diffuser des rumeurs, des informations fausses ou orientées (fake news) ou des contenus dangereux (pédophilie, révisionnisme, apologie du terrorisme).

  • Les médias doivent respecter les choix et les attentes des citoyens. Il y a ainsi un jeu triangulaire entre hommes politiques/ opinion publique et médias, ces derniers reflétant autant qu’ils forment les phénomènes de société. Marque de la société Médiamétrie, l’Audimat sert d’instrument de mesure des audiences télévisées, et permet de constituer les programmes proposés. Des études et mesures d’audience sont également réalisées concernant les sites web, la radio, mais aussi la diffusion de la presse (ACPM : Alliance pour les chiffres de la presse et des médias, ex OJD).

  • Il ne faut néanmoins pas surestimer le rôle des médias. Le vote, notamment, ne dépend pas que de leur rôle, mais relève aussi d’autres déterminants, sociaux, économiques... Il ne faut pas confondre les médias et la réalité qu’ils reflètent, ni leur prêter une capacité mécanique de définition de l’opinion. Pour lutter contre l’effet déformant des médias, le rôle de l’éducation est primordial, en permettant de comprendre les messages (apprendre à regarder la télévision comme hier à lire le journal) ou d’acquérir un regard critique sur l’information et la fiabilité variable des sources (ex : rubriques “décodeurs”).

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

La séparation des pouvoirs ?

Élaborée par Locke (1632-1704) et Montesquieu (1689-1755), la théorie de la séparation des pouvoirs vise à séparer les différentes fonctions de l’État, afin de limiter l’arbitraire et d’empêcher les abus liés à l’exercice de missions souveraines. Si cette théorie est souvent invoquée dans les régimes démocratiques, elle a été plus ou moins rigoureusement mise en pratique. La France a, pour sa part, développé sa propre conception de la séparation des pouvoirs, fondée sur la limitation des attributions de l’autorité judiciaire à l’égard de la puissance publique.

La théorie classique

La théorie classique de la séparation des pouvoirs distingue trois fonctions principales au sein des différents régimes politiques :

– la fonction d’édiction des règles générales constitue la fonction législative ;

– la fonction d’exécution de ces règles relève de la fonction exécutive ;

– la fonction de règlement des litiges constitue la fonction juridictionnelle.

Partant du constat que, dans le régime de la monarchie absolue, ces trois fonctions sont le plus souvent confondues et détenues par une seule et même personne, la théorie de séparation des pouvoirs plaide pour que chacune d’entre elles soit exercée par des organes distincts, indépendants les uns des autres, tant par leur mode de désignation que par leur fonctionnement. Chacun de ces organes devient ainsi l’un des trois pouvoirs : le pouvoir législatif est exercé par des assemblées représentatives, le pouvoir exécutif est détenu par le chef de l’État et les membres du Gouvernement, le pouvoir judiciaire, enfin, revient aux juridictions.

L’objectif assigné par Montesquieu à cette théorie est d’aboutir à l’équilibre des différents pouvoirs : "Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir."

La doctrine des checks and balances

Cette théorie a fortement inspiré les rédacteurs de la Constitution américaine, qui ont institué en 1787 un régime présidentiel organisé selon une séparation stricte des trois pouvoirs, tempérée par l’existence de moyens de contrôle et d’action réciproques conçus conformément à la doctrine des "checks and balances" (que l’on peut traduire par l’existence de procédures de contrôles et de contrepoids).

Afin d’éviter que chacun des pouvoirs n’abuse de ses prérogatives, les constituants américains ont ainsi prévu un strict partage des compétences entre organes fédéraux et États fédérés. Ils ont également réparti le pouvoir législatif entre deux assemblées, donné au Président un droit de veto sur les textes législatifs, et reconnu parallèlement au Sénat la faculté de s’opposer aux nominations relevant du Président ou encore aux traités internationaux négociés par l’administration.

La séparation des pouvoirs et la protection des droits de l’homme

L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 se réfère également à cette théorie en disposant que "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution". La séparation des pouvoirs apparaît ainsi comme le corollaire indispensable de la protection des droits naturels de l’homme : le contrôle mutuel qu’exercent les trois pouvoirs les uns envers les autres préserve l’individu des atteintes à ses droits fondamentaux. Dans le même temps, la séparation des pouvoirs constitue un obstacle au despotisme et à la tentation du pouvoir personnel, puisqu'aucune personne ne peut concentrer entre ses mains la totalité des attributs de la souveraineté.

De la séparation stricte à la collaboration des pouvoirs

Toutefois, cette théorie n’a pas toujours été strictement mise en œuvre par les différents régimes démocratiques. En effet, une séparation trop stricte des pouvoirs peut aboutir à la paralysie des institutions : tel fut le cas en France sous le Directoire (1795-1799) et sous la IIe République (1848-1851), où le conflit entre l’exécutif et le législatif s’est à chaque fois soldé par un coup d’État.

Aussi de nombreux régimes préfèrent-ils le principe de la collaboration des différents pouvoirs à celui de leur stricte séparation : la distinction entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire demeure, mais ces pouvoirs disposent de moyens d’action les uns à l’égard des autres. La faculté pour le chef de l’État de dissoudre l’une des chambres composant le Parlement, la possibilité pour le pouvoir législatif de renverser le Gouvernement, la soumission des magistrats du parquet à l’autorité hiérarchique du Gouvernement en sont autant d’exemples.

La conception française de la séparation des pouvoirs

En outre, la théorie de la séparation des pouvoirs a pris, en France, une signification particulière, que le Conseil constitutionnel a qualifiée, dans une décision du 23 janvier 1987, de "conception française de la séparation des pouvoirs". Celle-ci se distingue de la théorie classique, puisqu’elle trouve son origine dans les lois des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III (2 septembre 1795) qui interdisent aux tribunaux de l’ordre judiciaire de connaître des litiges intéressant l’administration. Par ces textes, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont été soustraits au contrôle des juridictions judiciaires, au motif que celles-ci ne disposaient pas d’une légitimité suffisante pour juger des actes émanant d’autorités procédant du suffrage universel et agissant au nom de l’intérêt général. L’institution d’une juridiction administrative à compter de l’an VIII (1799) devait partiellement modifier cette situation : depuis cette date, les actes de l’administration ont pu être contestés, mais devant une juridiction, distincte de l’autorité judiciaire. Au sommet de l’ordre administratif se trouve le Conseil d’État, créé en 1799, qui outre ses fonctions juridictionnelles exerce un rôle de conseil du Gouvernement.

La « conception française de la séparation des pouvoirs » est donc aujourd’hui associée à l’existence d’une dualité de juridictions dans notre système institutionnel.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

 

Atteinte à la vie privée

  •  Atteinte à la vie privée : notion de vie privée
  •  Atteinte à la vie privée : protection de la vie privée par la loi

Toute personne a droit au respect de sa vie privée. Ce respect est assuré par l'article 9 du Code civil et par l'article 226-1 du Code pénal. Regardons en détail ces dispositifs.

Atteinte à la vie privée : notion de vie privée

La loi ne définit pas limitativement la vie privée. À titre d'exemples, font partie de la vie privée :

  • les paroles prononcées en privé ;
  • l'image d'une personne, les photos la représentant ;
  • les informations concernant le domicile de la personne, les lieux qu'elle fréquente ;
  • les informations concernant l'état de santé de la personne, ses maladies ;
  • les courriers et courriels privés : la violation du secret des correspondances est d'ailleurs réprimée par l'article 226-15 du Code pénal (1 an de prison et 45 000 € d'amende) ;
  • la vie amoureuse de la personne, sa vie familiale ;
  • les convictions religieuses, philosophiques, politiques.

Cela ne signifie pas que toutes ces informations doivent rester secrètes dans toutes les circonstances.

Exemple : un employeur a besoin de connaître l'adresse de ses salariés. En revanche, il n'a pas le droit de communiquer cette adresse aux personnes qui n'ont pas à la connaître. De la même manière, un employeur porte atteinte à la vie privée de ses salariés lorsqu'il transmet sans leur accord, à différents syndicats, des bulletins de paie sans effacer les données personnelles non nécessaires à la résolution du litige pour lequel la transmission des bulletins de paie était nécessaire (Cass. soc., 7 novembre 2018, n° 17-16.799).

Remarque : on distingue parfois la vie privée, d'une part, et, d'autre part, l'intimité de la vie privée. Porter atteinte à la seconde serait encore plus grave.

Atteinte à la vie privée : protection de la vie privée par la loi

Le respect de la vie privée est assuré par le Code civil et le Code pénal.

Article 9 du Code civil

« Chacun a droit au respect de sa vie privée. » (Article 9 du Code civil)

La personne dont la vie privée est violée peut demander en justice des dommages-intérêts au coupable. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée. Il peut ordonner par exemple une saisie ou une mesure de séquestre.

Bon à savoir : s'il y a urgence, la victime peut saisir le juge en référé. C'est une procédure plus rapide.

Article 226-1 et suivants du Code pénal

En vertu de l'article 226-1 du Code pénal, porter volontairement atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui est puni d'1 an de prison et 45 000 €d'amende quand, au moyen d'un procédé quelconque :

  • on capte, enregistre ou transmet des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, et ce, sans le consentement de l'auteur des paroles ;
  • on fixe, ou on enregistre, ou on transmet l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé, et ce, sans le consentement de la personne.

Remarque : le consentement des personnes est présumé si les faits ont été commis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés alors qu'ils étaient en mesure de le faire.

D'autres articles du Code pénal punissent plusieurs types d'atteintes à la vie privée ou de faits favorisant cette atteinte. Ces articles sont regroupés dans une section intitulée « De l'atteinte à la vie privée » :

  • article 226-2 : 1 an de prison et 45 000 € d'amende pour le fait de conserver, ou de porter à la connaissance du public ou d'un tiers, ou de laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers, ou pour le fait d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes mentionnés par l'article 226-1 ;
  • article 226-3 : 5 ans de prison et 300 000 € d'amende pour la fabrication, ou l'importation, ou la détention, ou l'exposition, ou l'offre, ou la location ou la vente d'appareils ou de dispositifs techniques permettant notamment de réaliser le délit prévu par l'article 226-1 ;
  • article 226-4 : 1 an de prison et 15 000 € d'amende pour le fait de s'introduire dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, ou de menaces, ou de voies de fait ,ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet (les mêmes peines sont prévues si l'on se maintient ensuite dans le domicile d'autrui) ;
  • article 226-4-1 : 1 an de prison et 15 000 € d'amende si l'on usurpe l'identité d'un tiers, ou si l'on fait usage de données permettant d'identifier un tiers en vue de troubler sa tranquillité, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération ;
  • article 226-4-2 : 3 ans de prison et 30 000 € d'amende pour le fait de forcer un tiers à quitter son habitation en dehors des procédures légales, et ce, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes.

Bon à savoir : les personnes morales (par exemple les sociétés) coupables des délits prévus par la section du Code pénal intitulée « De l'atteinte à la vie privée », risquent, outre l'amende, les peines suivantes : l'interdiction définitive ou temporaire d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans le cadre de laquelle l'infraction a été commise, et l'affichage ou la diffusion de la décision de justice.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard