Le Conseil de l’Ordre des Journalistes France vous souhaite une bonne année 2017

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Le COJF vous souhaite à vous et vos proches une très belle année 2017, une année de combat, mais aussi de tolérance et de fraternité, il y en aura besoin dans le contexte électoral incertain qui s'annonce. L’actualité de la profession, la liberté d'informer, sans cesse menacée, doit être défendue avec force

"La France est attachée profondément à la liberté de la presse, et donc à l’indépendance des médias, dans un monde."

 Plus que jamais, notre COJF, qui célébrera en 2017 ses 8 ans d'existence, est mobilisé pour promouvoir l'indépendance des médias, le pluralisme des opinions, et une charte d'éthique commune à toute la profession, afin de garantir le droit du public à une information de qualité, complète, et libérée de tous les pouvoirs.

Je remercie l’entourage des collaborateurs les plus proches, celles d’abord qui sont demeurées auprès de moi et auxquelles j’exprime une particulière reconnaissance, celles et ceux qui sont arrivés, les autres aussi qui ont fait le choix personnel de se tourner vers d’autres activités.

Vous pouvez en être sûrs, je vous écoute, je vous comprends, je vous respecte, professionnels de grande qualité dans votre diversité qui faites face à tant de difficultés mais parvenez aussi à tant de réussites, journalistes dont la liberté d’appréciation est si précieuse.

Je vous souhaite chaleureusement le meilleur de ce que la vie en cette année peut vous permettre de découvrir, de partager et d’accomplir.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

Election présidentielle : quel cadre pour les primaires ouvertes ?

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Les élections primaires ouvertes pour désigner les candidats à l’élection présidentielle n’appartiennent pas à la tradition politique française, pourtant cette pratique s’installe peu à peu. Pour l’élection présidentielle de 2017, le parti Les Républicains, le Parti socialiste et Europe Ecologie-Les Verts organisent chacun une primaire.

Les primaires sont encore peu réglementées. Les autorités de contrôle et les pouvoirs publics manquent de recul pour trancher certaines questions relatives à cette nouvelle opération de vote. De nombreux acteurs de la vie politique française espèrent que les primaires soient davantage encadrées par la loi.

Rapide historique

Pour la première fois de l’histoire politique française une élection "primaire ouverte" a été organisée lors de l’élection présidentielle de 2012 pour désigner le candidat du Parti socialiste (PS). Elle a mobilisé près de 3 millions personnes qui sont venues voter.

Traditionnellement, la désignation des candidats en France a été mise en oeuvre au sein des structures partisanes soit par décision des instances dirigeantes, soit sous forme d’élection "primaire fermée" accessible aux seuls adhérents. Alors que les primaires animent la pré-campagne présidentielle depuis longtemps dans d’autres pays tels que les États-Unis, il s’agit en France, pour les partis organisateurs, d’inventer une pratique.

Les modes de désignation des candidats à l’élection présidentielle varient en fonction de l’organisation interne et de l’histoire de chaque parti politique. Les partis politiques décident librement de leur fonctionnement. Selon l’article 4 de la Constitution de 1958, "les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement." Aucun texte ne contraint les partis à adopter tel ou tel mode de désignation de leur candidat. Jusqu’en 2011, les modes de désignation s’exerçaient exclusivement en interne, procédant d’une désignation ou d’élections primaires fermées, c’est-à-dire réservées aux adhérents du parti organisateur. Fin 2009, les adhérents du Parti socialiste ont adopté par un vote le principe d’une "primaire ouverte" pour la désignation de leur candidat à l’élection présidentielle de 2012. Celle-ci a été organisée, fin 2011, selon un scrutin uninominal majoritaire à deux tours ouvrant la possibilité d’un deuxième tour opposant les deux candidats ayant obtenu le plus de voix lors du premier tour. La primaire était PLACÉE sous contrôle d’un organe interne au parti, indépendant de sa direction, dénommé Haute Autorité Éthique (HAE).

En juin 2015, le parti Les Républicains (LR) a adopté une "Charte de la primaire" qui prévoit que le candidat à la présidence de la République soutenu par LR en 2017 sera désigné à l’occasion d’une primaire ouverte à l’ensemble des citoyens "partageant les valeurs républicaines de la droite et du centre".

Les opérations de vote

En 2011, le Parti socialiste a ouvert le vote aux personnes inscrites sur les listes électorales ou ayant 18 ans au moment de l’élection présidentielle ainsi qu’aux étrangers adhérents du PS ou du Parti radical de gauche (PRG). Les votants s’acquittaient d’un droit d’entrée d’un euro minimum (un bénéfice de plus d’un million d’euros a été dégagé dont a bénéficié le candidat socialiste pour la campagne présidentielle). Chaque participant devait signer une charte d’adhésion aux valeurs de la gauche.

Pour la primaire organisée à l’automne 2016, le parti LR reprend ces points en fixant néanmoins le droit d’entrée à deux euros minimum, en demandant la signature d’une charte d’adhésion aux valeurs de la droite et en n’autorisant pas le vote aux étrangers adhérents. Pour pouvoir voter à la primaire d’Europe Écologie-les Verts, il faut soit être déjà adhérent, soit s’inscrire préalablement sur le site Internet de la primaire, signer la charte des valeurs. Cette inscription coûte 5 euros.

Le ministère de l’Intérieur a publié, le 22 février 2016, une circulaire qui précise les modalités d’organisation d’élections primaires par les partis politiques. Les mairies sont libres d’accepter ou non les demandes émises par les partis politiques de mise à disposition de locaux ou de personnels communaux. La mairie fixe les conditions de rémunération de ces services. Dans les bâtiments publics, et notamment à l’intérieur de la mairie, la mise à disposition de documents relatifs à l’élection primaire est exclue pour éviter de donner un caractère officiel à l’élection.

Les maires sont autorisés à fournir les isoloirs et les urnes. L’utilisation des panneaux d’affichage municipaux est laissée à leur appréciation. En revanche, l’utilisation des panneaux d’affichage spéciaux réservés aux affiches électorales est interdite. De même, il est interdit aux communes de prêter les ENVELOPPES de scrutin, leur remplacement faisant l’objet d’un marché public de l’État.

 

En 2011, le PS avait tenu plus de 9 500 bureaux de vote en métropole, en outre-mer et à l’étranger.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard

Le Journaliste et sa conscience : Doit-il tout dire ?

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Il existe dans notre métier des chartes qui rappellent le journaliste à ses devoirs. Elles insistent sur le respect nécessaire de la vérité. Un journaliste, stipulent-elles, ne doit pas user de moyens déloyaux : mensonge, déformation de faits ou de documents, accusations sans preuves. Mais le journaliste doit-il pour autant tout dire ?


Toute vérité est-elle bonne à dire ?

Certes, le journaliste doit faire de la recherche de la vérité son compagnon. Mais la vraie interrogation est : peut-il ou doit-il dire toute la vérité ? Au journaliste, on demandera de mettre en pratique l’hymne du Wassoulou : « Dire la vérité en tout lieu, en tout temps ».

Dans les faits, la vérité passe par le regard ou l’oreille du journaliste. Ce qu’il a entendu, il le recompose, le réinterprète. Forcément, quelque chose se perd en route. Le réel porte l’empreinte du style, et fait l’objet d’une mise en scène. Il s’agit, alors, pour le journaliste de filtrer les informations puisque certaines d’entre elles ne sont pas communicables. C’est la dure réalité à laquelle il est parfois confronté, avec surtout le souci de respecter la vie privée d’autrui. L’information ne doit pas porter atteinte à la dignité des personnes. Car la question que doit se poser le journaliste dans l’intimité de sa conscience est celle de savoir si le droit à l’information est supérieur à l’intime tragédie humaine ? C’est en cela que consiste la déontologie du métier. Dans cet ordre d’idée, l’art de masquer devient de plus en plus une nécessité éthique. C’est l’auto-censure, même si dans la profession ce mot est tabou. Nous pouvons alors soutenir avec Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal « le Monde » que : « tout peut être dit mais pas n’importe quand ni n’importe comment ». Car il est des vérités assurément inutiles, et finalement pernicieuses. Est-il nécessaire, pour les médias, de flatter abusivement les curiosités les plus médiocres ? Il existe également des vérités déplaisantes, blessantes ou traumatisantes. Tout ceci doit passer devant le tribunal de la conscience du journaliste. Le filtre de la conscience

Mais si la déontologie fait de la vérité un impératif essentiel, cela ne doit pas nous faire oublier que le rapport du journaliste avec la vérité n’est pas chose simple. Le temps est d’abord son premier ennemi, il doit faire vite pour rendre compte. Autre danger pour le journaliste, alors que le réel n’a pas fini son déploiement, sa rédaction lui demande de faire un commentaire sur un fait qui n’a pas encore dit son dernier mot. Rendre compte d’une réalité multiforme, c’est cette exigence que l’opinion nous impose.

La conscience est le seul filtre capable de trier ce que le journaliste a vu et compris de ce qu’il dispense à ses lecteurs. Il doit s’interroger en permanence, se méfier de lui-même, d’où la nécessité de prendre du recul, d’échapper aux différentes influences. Il doit être en marge de la foule pour mieux l’observer. Cette mise à l’écart est nécessaire pour avoir un regard serein.

Nous mesurons la lourde responsabilité du journaliste et le rôle central qu’il occupe au sein de la société. Sans la liberté des médias, les autres libertés sont illusoires. C’est pourquoi l’opinion doit prendre toute la mesure des difficultés de la mission des journalistes, pour ne pas les exposer à la critique facile. Souvent des personnes mal intentionnées projettent leurs propres fautes, tares, angoisses sur eux. La presse a bon dos et cela fait souvent l’affaire des imposteurs et des calculateurs sans moral. Aidons –la à courir le beau risque de la vérité, il y va de la santé de la démocratie.

 

 Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

 

Présidentielle 2017 : Et si les réseaux sociaux comptaient plus que la télévision ?

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Pour le spécialistes des médias, Jean-Marie Charon la réforme du temps de parole dans la campagne présidentielle n'aura pas d'influence. Selon lui, les réseaux sociaux, les sites d'information ou les blogs comptent autant ou plus que la télévision.


Jean-Marie Charon est sociologue et chercheur au CNRS. Il enseigne à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, à Paris, ainsi qu'à l'IEP de Rennes. Il travaille en particulier sur les médias, et publie de nombreux ouvrages sur le sujet, dont Les Journalistes et leur public: le grand malentendu (Vuibert)


Les députés ont voté lundi une loi modifiant les règles de l'élection présidentielle. Les rédactions audiovisuelles ne sont plus obligées d'appliquer une stricte égalité de parole entre «petits» et «gros» candidats avant la campagne officielle. Que cela vous inspire-t-il?

Jean-Marie Charon: Il est normal que les règles changent alors même que l'offre de médias s'est complètement transformée et que les pratiques du public évoluent rapidement. Qu'est-ce que signifie comptabiliser le temps de parole à l'heure de la télévision délinéarisée, à l'heure aussi du 2ème, voire 3ème écran de l'ordinateur, du Smartphone, etc. Va-t-on compter le nombre de retweet ou de partage de vidéos sur Facebook durant une émission qui reçoit un candidat? Rappelons que selon l'étude 24/7 de Médiamétrie, 88% des personnes qui se voient recommander une vidéo, vont la consulter…

La polarisation sur une télévision dont les chaînes se sont démultipliées relève du contresens, alors même que, toujours selon la même étude de Médiamétrie, 38% des personnes interrogées disent s'informer par les médias numériques et que77% des 18-24 ans déclarent utiliser en priorité les médias digitaux pour s'informer.

Enfin il est temps que l'élargissement considérable de l'offre de supports d'information rende aux rédactions leur nécessaire responsabilité dans ce domaine et que les journalistes de radio et télévision puissent faire réellement leur travail dans la période de la plus haute intensité de nos institutions démocratiques.

Cela ne va-t-il pas avantager les candidats des grands partis? Que répondez-vous à ceux qui évoquent un déni de démocratie?

Le déni de démocratie c'était d'abord ce carcans horaire qui faisait que se polarisant sur le temps consacré à une dizaine de candidats, les journalistes pouvaient plus réellement nous informer. Qu'est-ce qu'une information où la hiérarchisation de l'information, la mise en perspective, l'analyse s'effacent derrière le comptage du temps consacré à chaque candidat?

Comme si par ailleurs la presse écrite ne comptait pas ou plus. Comme si surtout petits et grands candidats ignoraient les réseaux sociaux, les sites d'information ou les blogs. Comme si la réceptivité des électeurs / public aux arguments et projets des candidats n'était que question de temps d'exposition.

La télévision des futures présidentielles aura encore changé, comme la place de ce média dans les pratiques d'information. Il faut donc adopter une attitude pragmatique, qui donne davantage d'initiative et de responsabilité aux rédactions et à la société elle-même.

Le principe de l'équité désormais appliqué, n'est-il pas un peu flou?

Dans un paysage médiatique aussi diversifié que le nôtre, avec notamment la place que prend le numérique et tout particulièrement les réseaux sociaux, la véritable équité devra reposer sur le professionnalisme des rédactions et la vigilance d'électeurs disposant d'outils aussi réactifs que les plateformes d'échanges de vidéos ou les réseaux sociaux. Les derniers événements dramatiques que la France et l'Europe ont connu montrent bien la place qu'occupent ces outils. Pour le meilleur et pour le pire. Exigeant des rédactions d'être plus précises, plus rigoureuses, plus vigilantes, comme le montre le développement du fact checking.

En outre il revient au CSA d'éclairer les rédactions sur son interprétation de ce principe d'équité, en souhaitant qu'il ait lui-même cette ouverture aux évolutions des pratiques du public.

Avec la multiplication des chaînes de télé le précédent système était-il applicable?

La question est moins celle du nombre de chaînes que celle de l'évolution des pratiques du public qui peut accéder aux émissions n'importe quand et autant fois qu'il le souhaite. La question est de ce point de vue moins de savoir si le système est applicable que de s'interroger sur son utilité et ses inconvénients. Or ces inconvénients, lorsque les candidats sont nombreux est qu'il fige le travail journalistique durant de longues semaines, les plus cruciales d'une campagne électorale.

Existe-t-il un système qui pourrait satisfaire tout le monde? Lequel?

Nous sommes en plein bouleversement du paysage des médias et de l'information et ce bouleversement est appelé à se prolonger. La télévision d'aujourd'hui n'est pas celle qui avait justifié les règles appliquées jusqu'à ces derniers temps en France. La télévision des futures présidentielles aura encore changé, comme la place de ce média dans les pratiques d'information. Il faut donc adopter une attitude pragmatique, qui donne davantage d'initiative et de responsabilité aux rédactions et à la société elle-même.

Quels sont les règles dans les autres démocraties?

Les comparaisons sont difficiles dans cette matière tant le traitement des élections dépends des institutions démocratiques elles-mêmes. Peu de pays élisent leurs dirigeants au suffrage direct, notamment en Europe. Dans des démocraties qui donnent davantage de place aux parlements et aux partis politiques, il est naturel de tenir compte de la représentation parlementaire des différents partis. C'est le cas en Espagne ou au Royaume uni. Dans ce cas la référence est celle du nombre de siège obtenus par les uns et les autres aux précédents scrutins. Par ailleurs le public peut être davantage réglementé que le privé, comme en Espagne. Les formes d'information peuvent aussi être plus ou moins encadrées, comme les débats qui échappent à la réglementation du temps, outre-manche.

L'élection présidentielle française est souvent mise en perspective avec celle des Etats Unis. C'est peu dire que les systèmes d'information et les règles qui s'y appliquent ont peu de point commun avec les nôtres. Un pays où prévaut le 1er amendement qui stipule l'impossibilité de légiférer en matière d'information.

 Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

Le quatrième pouvoir

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La presse est qualifiée de 4ème pouvoir et a été longtemps considérée comme un contre-pouvoir au pouvoir politique en place. L’information est un bien commun . Communiquer librement, un droit. Les groupes multimédias enterrent ce droit. Contre les abus de pouvoir, la presse et les médias ont été, pendant de longues décennies, dans le cadre démocratique, un recours des citoyens. Les journalistes et les médias ont souvent considéré comme un devoir majeur de dénoncer les violations des droits. C’est pour cette raison que l’on a longtemps parlé du « quatrième pouvoir », ou encore de la « voix des sans voix » A mesure que la mondialisation libérale s’est accélérée, ce 4ème pouvoir a été vidé de son sens. Il a perdu peu à peu sa fonction essentielle de contre-pouvoir. Avec le capitalisme financier qui est en fait un capitalisme de la spéculation, on assiste à un brutal affrontement entre le marché et l’Etat, entre le secteur privé et les services publics, entre l’individu et le société , entre l’intime et le collectif (le groupe), entre l’égoïsme et la solidarité. Le pouvoir véritable est désormais détenu par un faisceau de groupes économiques planétaires et d’entreprises globales dont le poids dans les affaires du monde apparaît parfois plus important que celui des gouvernements et des Etats. Ils ont une logique : le marché. Ils ont une idéologie : le néolibéralisme. Ce sont eux qui inspirent les politiques du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC. C’est dans ce contexte que s’est produite une métamorphose décisive dans le champ particulier des médias de masse. Les moyens de communication de masse (radios, presse écrite, télévision, Internet) se regroupent au sein d’architectures foisonnantes pour constituer des groupes médiatiques à vocation mondiale. Pour la France : Bouygues, RTL Group, Vivendi, Lagardère, Bolloré (voir fichier Bolloré)… La révolution numérique a brisé les frontières qui séparaient auparavant les trois formes traditionnelles de la communication : son, écrit, image, avec l’essor de l’Internet et de la téléphonie. Ces groupes rassemblent tous les supports médiatiques mais également des activités autrefois distinctes : - la culture de masse (créations populaires, jeux, objectifs mercantiles) - La communication (publicité, marketing, sondages) - L’information (agences de presse, journaux, bulletins radio et télévisé, chaînes d’infos en continu), univers logiquement réservé aux journalistes. Tout cela est si imbriqué que la distinction devient très difficile entre ces activités. Ainsi, les fournisseurs d’accès Internet, Yahoo et Orange, sont aussi des moteurs de recherche, des sources d’informations sur l’actualité, des fournisseurs de jeux en ligne etc… Ces grands groupes ont désormais deux caractéristiques nouvelles : 1) Ils s’occupent de toutes les activités à la fois et utilisent tous les supports de diffusion. 2) Ils sont mondiaux. Se souvenir que « Citizen Kane », le magnat de la presse William Hearst, ne possédait que quelques journaux dans un seul pays. (film d’Orson Wells 1940). Par leur poids économique et par leur pouvoir d’influence, ils deviennent les acteurs centraux de la mondialisation libérale. Préoccupés par la poursuite de leur gigantisme, Ils font pression sur les gouvernements pour briser les lois limitant les concentrations. Amenés à courtiser le pouvoir politique, ils n’ont plus l’objectif de s’ériger en « quatrième pouvoir » et encore moins d’agir comme un contre-pouvoir. Mais dans les pays en voie de développement, (comme en Amérique du sud), en cas d’élection d’un gouvernement progressiste, ils peuvent déclencher une véritable guerre médiatique et prennent le parti de l’oligarchie évincée (ex : Vénézuéla et Bolivie). Dans les pays avancés, ils ne s’opposeront pas à l’idée d’alternance, mais favoriseront par mille moyens l’expression d’opposants qui ne contestent pas le principe de l’économie libérale, au détriment de ceux qui remettent en question la loi du marché tout puissant et celle du libre échange. ces groupes ne sont pas des groupes multimédias exclusif (comme Murdoch, Bertelsmann ou Berlusconi), mais sont adossés à des groupes industriels puissants et qui partagent entre eux, sans problèmes, le capital de leur branche média ( Bouygues, Lagardère, Arnault, Vivendi). L’autre caractéristique c’est le fait que les grands groupes étrangers se tiennent à distance du débat politique et laissent les groupes français se partager la presse quotidienne et les magazines politiques. La liberté des médias n’est que l’extension de la liberté collective d’expression, fondement de la démocratie. En tant que telle, elle ne peut être confisquée par un groupe de puissants. Elle implique de surcroît une « responsabilité sociale », et par conséquent, son exercice doit demeurer, en dernière instance, sous le contrôle responsable de la société. Les médias sont aujourd’hui le seul pouvoir sans contre-pouvoir, et cela crée un déséquilibre dommageable pour la démocratie. Le rôle des médias Le rôle des médias, leur pouvoir d’influence sur l’opinion et sur les hommes politiques, le problème de leur contrôle, sont sans doute le premier enjeu pour notre démocratie. La concentration de l’industrie des médias entre quelques groupes multimédias a atteint un degré jamais vu à ce jour. Le contexte européen, avec les directives libérales, n’est pas étranger à cette évolution. De plus, ces groupes qui souvent se partagent un secteur à deux ou trois, loin de se concurrencer, préfèrent s’allier (exemples de la téléphonie mobile, des chaînes satellites, de la production d’images etc…). L’énergie vitale qui irrigue cette industrie, c’est essentiellement la publicité. Et quand les annonceurs, qui payent, appartiennent au groupe qui possède le média, (c’est le cas pour les produits de luxe des groupes Arnault et Pinault), on peut dire que c’est le consommateur de ces produits qui finance sa propre dépendance. L’univers médiatique est immense et foisonnant. Les éléments de dossier qui suivent, ne font pas le tour de la question. Des secteurs très importants comme les chaînes de télévision par satellite, la téléphonie mobile et Internet, ne sont pas développés. Internet est d’ailleurs l’enjeu majeur pour l’expansion du marché publicitaire et donc pour la marchandisation totale de ce média encore un peu préservé. L’idée, c’est de mettre un éclairage sur les pouvoirs qui s’affrontent, les moyens mis en œuvre et les valeurs menacées. QUELQUES QUESTIONS QUI SE POSENT Le rapport des médias au citoyen. - Ou en est le droit à l’information. - L’expression du pluralisme politique et philosophique au sens large. - Le pouvoir médiatique a-t-il changé de nature (autrefois contre-pouvoir). - Le double poids de l’Industrie et de la Finance sur les médias, par l’intermédiaire des actionnaires principaux et des annonceurs (le journalisme économique). L’aspect économique du pouvoir médiatique. - Le rôle moteur de la publicité. - les groupes multimédias purs sont moins puissants que les groupes industriels qui utilisent leur branche média pour « booster » leurs autres activités et disposer d’un pouvoir d’influence. - La non concurrence de ces groupes entre eux, qui préfèrent s’allier aux dépens des usagers. Le rapport à la politique. - La collusion avec les hommes politiques : Les va et vient entre les cabinets ministériels et les grands groupes semblent être devenus la règle et non pas l’exception. - Le rapport aux intellectuels. - La collaboration voire la trahison des élites éduquées qui ont accepté l’idée de la globalisation heureuse qui profiterait à tous, sans voir que cette concentration de plus en plus homogène et monolithique dans les médias signait un recul de la démocratie. - REGLEMENTATION DES MEDIAS EN FRANCE Déclaration des droits de l’Homme : le 27 juin 1789 l’Assemblée Nationale décide de faire précéder la future Constitution d’une déclaration des droits. Le 24 août 1789 article11 « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». (base du pluralisme à la française). La loi de 1881 sur la liberté de la presse. La censure en 1914 (1916 naissance du Canard enchaîné en réaction). Elle est à l’origine de l’expression « bourrage de crâne ». L’occupation renforce la méfiance : le tirage des journaux s’effondre. Ordonnance du 26/08/44 : Le propriétaire ou le Président du conseil d’administration est le directeur de la publication. Il en est le responsable sur le plan pénal. 1946 : Principe du « 1 homme 1 journal ». 1947 : Principe de la distribution des journaux égale pour tous. Années 70 : concentration de la presse : le cas Robert Hersant. Dans les années 70/80, le prix des journaux augmente (x4 entre 70 et 84). A partir de 1980, début de la baisse des tirages. Loi du 23/10/84 : Loi anti-concentration basée sur la diffusion (limite des15% de la diffusion des journaux de même type au plan national ou régional). Loi du 01/08/86 (Chirac) : ce pourcentage est remonté à 30%. Loi du 30/09/86 modifiée le 13/08/2000 sur la liberté de communication. Les sociétés nationales de programmes « assurent l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité du traitement et des recommandations du CSA ». La règle des 3 tiers du CSA est au départ une directive de l’ORTF en 1969 :1/3 de temps d’antenne pour le gouvernement, 1/3 pour la majorité parlementaire, 1/3 pour l’opposition parlementaire. Le Président n’est pas concerné.En 2000, est ajouté une exigence de « représentation équitable » pour les groupes qui ne sont pas représentés au Parlement. En 2008, un groupe ne peut détenir dans une chaîne hertzienne plus de 49% de son capital. Ainsi Vivendi possède 49% de sa filiale qui contrôle la chaîne Canal+ et Bouygues 43% de TF1. Mais si la chaîne réalise moins de 2,5% de part d’audience, le groupe peut détenir plus de 49%.Un amendement adopté par le gouvernement pour le projet de loi de modernisation de l’économie propose de porter à 8% la part d’audience. Cela permet à M6 de garder la chaîne W9 à 100%, à Bolloré de garder Direct 8 à 100%. LE CONTROLE DE L’OPINION POLITIQUE DANS LA PRESSE ECRITE Depuis la chute de l’URSS en 1991, le débat d’idées dans les médias n’est plus de nature politique. Ce qui est recherché, c’est le consentement de l’opinion au système économique en vigueur (le libéralisme mondialisé). L’expression des forces politiques et sociales est donc plus ou moins facilitée, selon qu’elles remettent ou non en cause ce système. Les multinationales, qui ont le pouvoir réel, contrôlent les médias. Ceux-ci œuvrent jour après jour à créer les « illusions nécessaires » préalables à ce consentement. En 2008, en France, on peut dire que le pluralisme politique dans les médias est gravement mis en cause. La concentration capitalistique de la presse française est telle, que l’essentiel du pouvoir d’influence est détenu par une demi douzaine de groupes nationaux. QUI PAYE COMMANDE La presse, c’est principalement : 4 quotidiens gratuits, 9 quotidiens nationaux, 27 magazines et 36 quotidiens régionaux (sans compter une myriade de petites publications locales également détenues par les mêmes groupes). Voir en annexe « qui possède la Presse ». L’immense majorité de ces journaux appartient à une dizaine de grands groupes. Soit des groupes industriels qui ont investi dans la communication, soit des groupes de presse, authentiques, mais qui partagent leur pouvoir avec ces mêmes industriels par le biais de la participation au capital de ces derniers. Aux postes clés, sont nommés des directeurs et des journalistes expérimentés qui sauront trier et sélectionner les infos et donner les points de vue raisonnables. QUELQUES EXCEPTIONS : Croix », propriété à 100% des assomptionnistes, «L’ Humanité » propriété à 70% de ses lecteurs, de son personnel et de membres du Parti,( mais quand même 20% pour : Hachette, TF1et Caisse d’Epargne), « Ouest -France » détenu à près de 100% par une association humaniste d’obédience catholique (Jacques Duquesne , Président) , le groupe « Sud Ouest » qui appartient à une famille bordelaise, et «Le Nouvel Observateur » propriété de Claude Perdriel heureux fabricant des sanibroyeurs SFA. On a, à peu près, fait le tour des journaux dont le capital est homogène depuis longtemps. La privatisation progressive des nouveaux médias dans les années 80, se fait dans un vide législatif qui favorise la concentration dans de grands groupes multimédias. LA PRESSE ECRITE RESTE UN MEDIA MAJEUR Malgré la concurrence des autres médias, son pouvoir d’influence reste grand : - Les articles de presse servent de matière première aux journalistes des radios et télés pour préparer leur propre journal, puisqu’ils n’investiguent pas eux-mêmes. - Des émissions radio sont coproduites avec des journaux. - Les sites Internet s’en nourrissent également beaucoup. - La Presse quotidienne régionale (PQR) se porte encore bien et joue un rôle important dans les périodes d’élections locales. Elle sert également de support et de porte voix aux chroniqueurs nationaux qui apportent la bonne parole dans les régions. - C’est elle qui commande le plus de sondages politiques ou sociétaux. Ceux-ci sont repris dans les autres médias et permettent au journal concerné d’être cité régulièrement. Elle joue ainsi un rôle majeur dans la fabrique du consentement. - Les revues de presse tiennent une place importante dans les radios. Elles permettent de faire passer des commentaires orientés sans trop impliquer le journaliste qui les reprend. Elles servent aussi à mettre en scène une info ou à lui donner plus de force. La revue de presse est un art délicat que l’on ne confie pas à n’importe qui. Certains se souviennent peut-être de l’expérience, tenté par France Inter pendant quelques semaines, et qui n’a jamais été renouvelée. Il s’agissait de confier à l’invité politique de la matinale le soin de confectionner sa propre revue de presse à partir des journaux utilisés habituellement par le journaliste. Celle de Marie Georges Buffet, à connotation très sociale, était tellement décapante qu’on fut en droit de s’interroger sur le degré de sincérité de cet exercice les autres jours. LE JOURNALISME ECONOMIQUE ET SON SUPPORT MEDIATIQUE A part 3 exceptions marginales : l’Humanité, le Monde diplomatique et Politis, les autres journaux montrent une forte homogénéité idéologique. Le plus souvent, le journaliste économique vient de la presse écrite. Il peut disposer d’une chronique complémentaire à la radio ou à la télé. Sa position dominante sera proportionnelle à l’étendue de l’audience ou à l’autorité du média sur lequel il s’exprime. En conjuguant un ou deux de ces critères, on trouve aux premiers plans: - Les télés radios : TF1, France2, France Inter, Europe1, RTL, France Info. - La presse générale : Le Monde, Libération, Le Figaro, Le Nouvel Observateur, l’Express. - La presse économique : Les Echos, La Tribune, l’Expansion. Ces médias engagent une vision du monde particulière dont les éléments sont les suivants : - l’économie peut-être isolée de l’ensemble des activités humaines et donc traitée à part. - L’économie est séparée du social. Contrairement à aujourd’hui, le journal Le Monde des années 70 avait une seule rubrique « économique et sociale ». De même, on a séparé « l’immobilier » à connotation économique, du « logement » à connotation politique et sociale. - Le journaliste économique, aujourd’hui fournit des informations aux agents économiques ou des conseils aux simples consommateurs, mais n’explique plus les rouages de l’économie et les rapports de force qui la sous-tendent. - Le point de vue est réducteur : les enjeux de santé ou d’éducation sont réduits à des considérations de coût. EFFETS DE LA RESTRUCTURATION DE LA PRESSE ECRITE. Elle a limité le poids des groupes dont la presse est le seul métier. D’où des conflits d’intérêt à plusieurs niveaux : 1) Le plus souvent ce sont des groupes capitalistes dont les autres activités principales peuvent entrer en contradiction avec les infos économiques à traiter. 2) Il y a conflit potentiel avec les annonceurs du journal qui sont des groupes de même types (ex : industries du luxe…) 3) Les sources des journalistes sont le plus souvent les dirigeants de toutes ces entreprises. 4) Mais le conflit potentiel peut être plus large, quand il s’agit par exemple de juger du bien fondé des privatisations quand on parle sur une chaîne privée. 5) Enfin, il y a le poids du lectorat qui, en majorité, vient chercher des informations sur l’économie et n’est pas prêt pour des remises en question profondes. LA TELEVISION PRIVEE La télé privée est aux mains de trois groupes industriels multinationaux (Bouygues, Lagardère et Vivendi) et d’un grand groupe de la communication, Bertelsmann. Ils sont présents dans les autres médias : presse écrite, radios, cinéma, musique. A l’affrontement, ces groupes préfèrent des stratégies d’alliance. Les concurrents deviennent partenaires et se ménagent entre eux. L’ampleur de cette concentration et de ces alliances met en cause l’indépendance des hommes politiques vis à vis des médias, le pluralisme et la qualité de l’information. Elle rend nécessaire l’adoption d’une loi limitant réellement cette concentration. La présentation qui suit date de 2004 (Observatoire français des médias), et bien sûr la répartition du capital a pu se modifier. Mais la tendance à la concentration et aux ententes reste la même. 

 Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard