Autocensure

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Définition de l'autocensure


Étymologie : du grec autos, soi-même, du latin censor, magistrat romain, au figuré, celui qui blâme.

L'autocensure est une censure que l'on s'applique à soi-même, de manière préventive, sur ses propos, ses actes ou ses réalisations. L'autocensure peut être motivée par la pudeur ou par la crainte d'une censure, de représailles, de la perte d'un avantage, d'une action en justice, etc., de la part de l'Etat, d'une institution, d'une entreprise ou d'une personne dont on dépend.
Exemple : autocensure d'un auteur ou d'un artiste sur ses propres œuvres.

L'incitation à l'autocensure est une forme subtile de censure qui donne l'illusion de la liberté d'expression.

L'autocensure dans les médias

Les journalistes peuvent avoir tendance à traiter certains sujets complaisamment vis-à-vis des hommes politiques, des annonceurs publicitaires ou des actionnaires auxquels appartient leur média. Les agences de presse, quant à elles, préparent et valident l'essentiel des informations et réduisent d'autant le besoin d'autocensure des journalistes qui n'ont qu'à utiliser un contenu pré-validé. 

L'autocensure s'exerce principalement dans le choix rédactionnel des sujets abordés, la manière de les traiter et d'en rendre compte. Elle a pour conséquence le développement du "politiquement correct" et donne l'impression que la presse traite des mêmes sujets et présente les mêmes idées au détriment du pluralisme. 

Autocensure dans la recherche d'emploi

 

La discrimination et les représentations négatives à l'encontre de certaines catégories de la population peuvent conduire des personnes à ne plus postuler sur certains postes par anticipation des freins qu'elles craignent avoir à rencontrer.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard

Le journaliste doit-il fréquenter les hommes et les femmes politiques : Les liaisons dangereuses

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Les côtoyer mais ne jamais les fréquenter. Cette devise critique du journalisme envers les hommes et les femmes politiques et qui fonde le soubassement de l’éthique et de la déontologie journalistiques ne fait pas l’unanimité. Pourtant, journalistes comme hommes ou  femmes  politiques reconnaissent la nécessité d’observer une distance critique entre l’amitié et le devoir professionnel. Et surtout, la nécessité pour le journaliste de garder sa liberté de conscience.

« Si un homme politique m’invite à dîner, je refuse », déclarait un célèbre journaliste politologue de CNN. Méfiance excessive et démesurée ou garde-fou salutaire pour conserver une liberté précieuse ? Dans un pays (les Etats-Unis) où historiquement la presse garde sa distance voire une certaine méfiance vis-à-vis du milieu politique, rien de surprenant. Sans doute, une majorité des confrères de ce journaliste pensent de la même manière…

Certes, comme le souligne Christine Couder, ancienne directrice du "l’Avenir " il faut replacer les relations journalistes-hommes - femmes politiques dans un contexte global entre journalistes et les autres segments de la société. N’empêche que les relations entre journalistes et hommes - femmes politiques sont particulières. Ce qui est, d’ailleurs, valable dans tous les pays, parce que la politique est un domaine sensible du fait qu’elle touche au pouvoir et aux intérêts.

« Cette relation particulièrement visible peut donc se caractériser par la complicité, le conflit ».

Si le journaliste, en tant que membre de la société ayant des intérêts et des sensibilités, n’a pas une claire conscience de sa mission sociale et de son devoir d’objectivité, il peut prendre parti, être « de connivence » et « aliéner l’exigence professionnelle ». Ce qui fait dire à Christine Couder qu’ « un journaliste qui privilégie les affects sur son devoir moral d’objectivité, peut se transformer en un vulgaire propagandiste ». Le journaliste devrait faire sienne cette devise de Platon : « Vous êtes mon ami, mais la vérité m’est plus ami ». Dans toute circonstance ?

Proximité ou amitié ?

Pour Gabriel Vialy, rédacteur en chef de "Villeneuve  D’abord", être ami d’un homme politique, ne veut pas dire être son porte-parole. « Tout d’abord, il ne faut pas confondre proximité et amitié », dit-il. Très remarqué pour ses amitiés politiques,   Dans l’ensemble, mes relations avec les politiques ne sont pas des relations de conflit encore moins de collaboration. Ce sont des relations d’interlocuteur. Mais, on ne peut pas demander à un journaliste de ne pas avoir d’amis politiques. Nous en avons forcément tous …moi, j’ai beaucoup d’amis qui font de la politique – la nuance est importante -, mais on ne se fréquente pas dans le cadre privé.

Cependant, la principale question ne se situe pas là. Il s’agit, ici, de savoir est-ce qu’on peut avoir des amis et écrire avec honnêteté sur eux ? C’est peut-être là que réside, dans certaines circonstances, le choix cornélien du journaliste.

Gabriel Vialy, c’est très simple : « quand on a des amis, il faut éviter le maximum d’écrire sur eux en laissant les autres confrères s’en charger. Ou bien, si on est tenu d’écrire, s’en limiter aux faits et éviter les jugements et avoir assez de recul pour ne pas donner à la suspicion ».

Deux mondes différents

Christian Tran, un des doyens de la presse et très attaché à  l’éthique et la déontologie  crois lui, qu’il est difficile de traiter avec honnêteté et impartialité une information concernant un ami. Ce qu’il ne faut pas oublier aussi, c’est que derrière l’image d’un homme de devoir et défenseur d’un idéal incarné par le journaliste, il y a une vie : celle d’un être humain qui a une famille, des amis…

Selon Mme Martin Sonia, « le journaliste doit toujours avoir en tête qu’il est à la fois un homme et un journaliste. Un homme au sens qu’il peut avoir un passé commun ou une passion commune avec des hommes politiques : alors on ne peut pas décréter qu’il ne doit pas y avoir d’amitié entre eux ; un journaliste au sens où il doit obéir à certaines règles déontologiques : alors, il doit identifier et neutraliser la tentation de céder aux « affects ». Il doit éviter une confusion des rôles… ». Il pense que le journalisme est un métier qui « oblige à se faire violence ». « Prenez l’exemple d’un policier qui fermerait les yeux sur une infraction d’un ami…c’est la même situation avec un journaliste qui, dans le cadre de son travail se tait pour protéger un ami politique ou autre… », Juge-t-il.

Il se pose, ici, pour le journaliste, un choix qui peut être douloureux, si l’on sait combien les relations sociales comptent dans notre société.

« S’il y a des relations, forcément il y a une influence parce qu’on est tous des humains et que les règles de bienséance nous obligent à avoir de bons rapports avec nos amis ».

Alors, faut-il être suffisamment mûr pour se libérer de toute influence vis-à-vis de tout ami ou rester « prisonnier » des relations sociales ?

Ce qui importe le plus, selon Mme Jennifer Farzad, c’est de savoir faire la part des choses. Il estime que l’amitié -qui est un domaine privé- et le cadre professionnel sont « deux mondes différents ». Et que, dans chaque situation, chacun doit jouer son rôle pour respecter la scénographie : « quand on est dans le cadre privé, on est amis ; quand on est dans le cadre professionnel, le journaliste doit avoir l’attitude d’un journaliste et le politique jouer son rôle sans que l’amitié n’empiète sur cette relation ».

Cette idée est aussi partagée par François Salvador. Il estime que l’amitié c’est la sincérité et le respect mutuel notamment en matière de conscience professionnelle. « J’avoue que j’avais beaucoup d’amis dans la politique … Mais cela ne m’empêchais pas d’écrire sur eux en toute liberté de conscience, dit-il.

 

Cependant, c’est en image de marque qu’être estampillé « ami d’untel homme politique » coûte le plus au journaliste. « Si personne n’ose contester au journaliste, en tant que membre de la société, le droit d’avoir des amis qui font de la politique -et dans tous les domaines, d’ailleurs-, il y a quelque chose de gênant, cependant, quand il y a promiscuité entre un journaliste et un homme politique.

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard

Quel avenir attend le journalisme? Quels sont ses défis?

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Journalisme d'hier, d'aujourd'hui et de demain

«Mon inquiétude unique devant le journalisme actuel, c'est l'état de surexcitation nerveuse dans lequel il tient la nation. [...] Aujourd'hui, remarquez quelle importance démesurée prend le moindre fait. [...] Quand une affaire est finie, une autre commence. Les journaux ne cessent de vivre dans cette existence de casse-cou. Si les sujets d'émotion manquent, ils en inventent.»

Non, ce n'est pas le plus récent coup de gueule d'un nostalgique qui désespère devant la superficialité et le rythme affolant de l'information qui circule dans les sites Internet des grands médias, dans le réseau Twitter ou dans les chaînes d'informations télévisées en continu. Il s'agit plutôt de la critique virulente de la presse que dressait un certain Émile Zola, dans Le Figaro du 24 novembre... 1888!

La rapidité avant la véracité des faits

Pour caricaturer un peu, on pourrait dire que l'accélération de l'information nous expose à un danger similaire aux excès de vitesse en automobile : le risque augmente avec la rapidité du bolide. [...]

L'information politique sort-elle améliorée de ces nouveaux médias? Les amateurs de l'instantanéité en sortent gagnants : vous allumez la télé ou vous allez sur Internet, et vous savez immédiatement ce qui vient de se passer dans les corridors de l'Assemblée nationale ou du parlement d'Ottawa. [...] Bref, on vous tient «au courant». Mais à la fin de la journée ou de la semaine, serez-vous un citoyen mieux informé que votre voisin parce que vous aurez pris connaissance des nouvelles avant lui?

Le journalisme judiciaire : cultiver la distance

La justice vit à une autre époque. Peut-être plus fondamentalement cependant, le temps auquel vit la justice est un «autre temps», en ce sens que son travail est et doit être lent. Tout événement doit être patiemment décomposé et recomposé. La quête de la vérité, la recherche d'une conclusion, tout est long, tout est lent, tout est toujours reporté à une date ultérieure.

Voilà qui s'arrime assez mal à notre époque où tout doit se conclure rapidement, où les sujets arrivent et partent dans la même journée, vidés de leur substance médiatique; une époque où les nouvelles sont périmées plus vite que jamais, où tout passe, tout lasse au bout de quelques heures. [...] On aura beau imaginer toutes les réformes, le monde de la justice vivra toujours dans ces autres temps excentriques. [...]

Les dernières résistances judiciaires devant Twitter vont tranquillement s'estomper : il n'y a aucune raison juridique de forcer les journalistes à retenir l'information jusqu'à ce qu'ils puissent sortir de la salle d'audience. [...] Cette pratique n'est cependant pas sans conséquence. Le reportage judiciaire par le truchement de Twitter devient morcelé à l'extrême. C'est par fragments, par éclats qu'on se trouve à «tout» dire, tout de suite.

Presse écrite : priorité à la quête du sens

Quand de vieux journalistes parlent avec regret de la presse des années 60 ou 70, c'est avant tout de leur propre jeunesse qu'ils sont nostalgiques. Il faut faire l'exercice : passer un après-midi à la Grande Bibliothèque et relire les journaux de l'époque. On constate alors qu'on a tendance à idéaliser le passé. La presse d'avant souffrait de nombreuses carences. Le journalisme a beaucoup évolué.

Pour la presse écrite, miser sur la quête du sens et revenir à un certain classicisme dans la forme ne signifie pas un retour en arrière.

Au contraire, les journalistes de l'écrit doivent apprendre à exploiter à fond les outils modernes de recherche et de communication, de manière à offrir aux lecteurs toute la profondeur dont ceux-ci ont soif, et qu'ils ne trouvent ni à télévision, ni à la radio, ni sur le Web.

Le grand dérangement numérique

Il y a des jours où je me demande si ce que j'enseigne est encore du journalisme. Les étudiants de cette deuxième décennie du XXIe siècle sont des machines. Pas dans le sens robotique du terme, mais dans celui du prodige de polyvalence qu'on exige d'eux.

En trois ans, ils apprennent tous les métiers : la recherche, le reportage, toutes plateformes confondues, les responsabilités de l'affectation ou du pupitre. Ils doivent aussi devenir compétents sur le plan technique : mise en page d'un journal (oui, cela s'enseigne encore), publication en ligne, calibrage des couleurs sur un caméscope semi-professionnel, montage son et vidéo, entre autres. Et voilà que s'ajoutent, depuis quelques années, des notions d'informatique.

Et c'est sans compter tout ce qu'on ne leur montre pas, mais qu'on attend implicitement d'eux : avoir une solide culture générale et écrire mieux que Pierre Foglia tout en sachant se servir d'un ordinateur, d'un téléphone prétendument intelligent ou d'une tablette pour intervenir dans quantité de médias dits sociaux.

Le recours à la déontologie pour renouveler le journalisme

La culture des médias sociaux et des nouvelles en continu a imprimé une nouvelle réalité dans laquelle l'information circule à une vitesse excessive. Le traitement de l'information est, pour ainsi dire, à la remorque des nouveaux moyens technologiques. La production médiatique est prise dans un engrenage d'hyperproductivité, semblable à celui du hamster qui tourne en rond dans sa cage et ne peut s'en échapper. [...] Or, cette rapidité de production et de diffusion est mère de dérapages éthiques qui s'accumulent. C'est ce constat qu'on est à même de faire en voyant apparaître de nouveaux types de plaintes déposées au cours des dernières années devant le Conseil de presse du Québec, des plaintes concernant des propos présumés méprisants et discriminatoires sur les réseaux Facebook et Twitter. [...]

Pour assurer sa pérennité, le journalisme du XXIe siècle doit pouvoir se renouveler en tablant sur des valeurs sûres : un traitement de l'information et une analyse en profondeur des événements, la recherche de la vérité dans son intégralité, la diffusion de faits rigoureusement exacts et de témoignages humains inédits. En somme, un contenu hautement crédible et éthique - une valeur ajoutée

Rien n'a changé

La fameuse «révolution médiatique» qui emballe (un peu) et effraie (beaucoup) les salles de presse partout sur la planète est une vue de l'esprit. Ou presque.

Cessons d'évoquer un chambardement à la Gutenberg, faisons taire toutes les Cassandre. Les fouille-merdes resteront des fouille-merdes, à coups de linotype ou de pixels. Index tachés d'encre ou pouces usés par un écran tactile, même combat.

L'industrie évolue à toute allure, certes, mais ses fondations restent solides et ses grandes institutions demeurent. Le journaliste de 1915 serait ébahi par les moyens techniques déployés 100 ans plus tard par ses successeurs, mais s'apercevrait rapidement que le fond de l'affaire n'a pas tellement changé.

L'avenir est au transmédia

Où allons-nous? J'ai posé cette question à un patron de presse lors d'une conférence. Alors que je pensais qu'il avait mûrement réfléchi à ce fameux «changement» qui préside à la destinée de nos médias, sa réponse m'a désarmé : «Je ne sais pas, toi seul le sais. Ce sont des jeunes comme toi qui vont mener ce changement.»

Prenons-le au mot, alors. Au moment où nous aurions le plus besoin de jeunes journalistes pour renouveler nos façons de faire, beaucoup errent au rythme des tarifs méprisants de la pige ou des stages et des remplacements à la pièce. [...] Pour comprendre ce que souhaitent les jeunes, le début de la solution ne consisterait-il pas à faire davantage confiance aux professionnels de leur âge?

 

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard 

Vœux 2016 du conseil de l’ordre des journalistes France

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"Chères toutes et chers tous,

Au moment de vous adresser mes vœux, je tiens à vous exprimer ma fierté et ma reconnaissance pour le travail que vous avez accompli tout au long de l’année au sein de Conseil de l’Ordre des Journalistes. Quatre mots me viennent à l'esprit pour qualifier notre action commune en 2016 : ambition, différence, modernité et confiance.

À travers nos grands rendez-vous d'information, de sport, de fiction, mais aussi nos documentaires et magazines, sans oublier nos divertissements, la liste est longue des programmes qui illustrent, notre ambition de proposer aux téléspectateurs une offre exigeante et de qualité. Souvent, nos concitoyens ont trouvé le moyen de partager ensemble des instants d'émotion; et dans bien d'autres cas, nos propositions leur ont permis de s’enrichir et de mieux décrypter notre société.

Nos informations ont apporté une diversité et une richesse. Résolument, semaine après semaine, du matin au soir, en métropole et dans les outremers, nos proposent  une véritable différence éditoriale, dont l’expression est certainement perfectible et devra s’adapter aux mutations que la technologie impose en permanence, mais qui n’en est pas moins réelle, objective et appréciée de nos téléspectateurs.

Tout en nous engageant déjà dans un important plan d'économie pour nous adapter, comme nos concurrents, à la baisse de nos ressources et préserver nos équilibres, nous nous sommes engagés dans la modernité. Le succès de notre développement numérique est reconnu. La rencontre avec les nouvelles pratiques audiovisuelles des Français est avérée. Le rayonnement de nos contenus s’amplifie et nous permet de préparer notre avenir dans un univers numérique moins régulé, sur des réseaux toujours plus ouverts et concurrentiels.

Telle est la réalité des résultats obtenus grâce aux combats que toute l'entreprise a menés depuis plus de deux ans, mais particulièrement en 2016, et qui portent leurs fruits. Dans un contexte de concurrence inédite, de dilution de notre poids dans l'audiovisuel, de règne du tout-divertissement, de démultiplication des écrans et d'individualisation des pratiques, nos concitoyens nous ont renouvelé leur confiance en 2016 et nous ont offert un bilan que nous n’avions pas connu depuis une décennie.

À mon tour de vous renouveler ma confiance et de vous dire à quel point je crois aux succès des projets que nous mènerons en 2016 :

- pour renforcer notre utilité dans la société française,

- pour accentuer encore nos singularités éditoriales et améliorer notre offre en innovant davantage,

- pour amplifier notre développement numérique,

- pour gérer toujours plus rigoureusement nos ressources et devenir plus performants,

- pour poursuivre notre politique en faveur de la diversité et de l’égalité des chances afin de renforcer la cohésion sociale au sein de l’entreprise.

 

Vous connaissez mon attachement à votre épanouissement personnel au sein du collectif que nous formons ensemble. Dans le contexte actuel, alors que nous partageons à tous égards les inquiétudes et les difficultés de nos concitoyens, j’adresse à chacune et chacun d’entre vous ainsi qu'à ceux qui vous sont chers mes vœux les plus sincères de bonheur et de bonne santé pour cette nouvelle année 2016.

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Le journaliste de demain sera-t-il un robot ?

Notre futur sera robotique, c’est une certitude. Une grande partie des emplois, près de la moitié selon cette étude, sera à la portée des robots d’ici 2030. Tous les domaines seront concernés et bien sûr celui du journalisme n’y échappera pas. Des rédactions commencent à s’équiper…

 

Evidemment, il ne faut pas s’imaginer que dans vingt ans, nous vivrons dans un monde déshumanisé, entourés d’humanoïdes exécutant machinalement des travaux pénibles à notre place, mais bien un mix entre des bras industriels, des robots, des robots domestiques et beaucoup de lignes de code. Ce monde sera principalement fait d’algorithmes informatiques et d’interfaces interactives.

Et le métier de journaliste dans tout cela ? Certains éditeurs de presse commencent à s’entourer de développeurs compétents afin de trouver des solutions pour la rédaction automatique d’articles. Comment ? En construisant des algorithmes informatiques capables d’extraire les données pertinentes, en faire une synthèse et les réagencer dans un article intelligible.

L’objectif pour les équipes de rédaction est clair : plutôt que de consacrer des ressources à la rédaction d’articles avec peu de fond, telles que l’annonce de résultats sportifs du week-end ou l’évolution du cours de la bourse, on y met des robots et on libère ainsi du temps aux journalistes, pour des travaux demandant plus d’analyse ou d’investigation. Mais qui utilisent ces robots ?

Des noms ! On veut des noms !

Peu d’éditeurs souhaitent avouer qu’ils font déjà appel à ce genre de robots. Une vingtaine de rédactions en serait équipée, mais deux noms sortent fréquemment dans la presse, car ce sont deux institutions : Forbes et le L.A. Times.

Forbes.com, site sur l’actualité économique, utilise une plateforme d’intelligence artificielle pour générer automatiquement ses brèves à partir des flux d’informations et des articles déjà stockés dans la base de données du site. Cette solution est fournie par Narrative Science, une start-up américaine basée au nord de Chicago créée par deux spécialistes de l’IA, Larry Barnbaum et Kris Hammond, donnant suite au projet Stats Monkey lancé par la prestigieuse Medill School of Journalism. Le logiciel est capable de produire des articles rédigés à la manière d’un journaliste, en puisant ses formules dans une base de mots, d’expressions et de formules communément utilisés sur le Net.

Le Los Angeles Times, quant à lui, utilise des robots pour faire des rapports sur les tremblements de terre : l’éditeur s’appuie sur un algorithme qui exploite les données du site US Geological Survey (USGS), qui surveille l’activité sismique sur la planète : magnitude, épicentre, heure d’un séisme.

Cet algorithme a par exemple permis au quotidien américain de publier en ligne un article trois minutes après qu’un tremblement de terre ait frappé la Californie. Le programme, baptisé QuakeBot, est le fruit de deux ans de recherche de Ken Schwencke, un développeur embauché par le L.A. Times pour mettre au point des solutions robot-journalistiques pas uniquement pour la déclaration et le suivi de séismes, mais également pour la rubrique nécrologique du site.

Dès qu’une information arrive à la rédaction, le robot la prend en charge immédiatement et les insère dans un gabarit pré-écrit. Rassurez-vous, l’article généré automatiquement est ensuite relu par un humain avant d’être publié en ligne. Il est d’ailleurs signé du journaliste lui-même et non pas par QuakeBot.

En France, la société Opta, fournisseurs de données statistiques sportives, a conçu pour RTL un générateur de flux automatiques de commentaires pour les matchs de Ligue 1.

Le métier de journaliste va-t-il disparaître ?

Une solution automatisée telle que celle de Narrative Science ou le QuakeBot est d’une redoutable productivité : en moins de deux minutes l’article est plié et ce pour un coût estimé à 10 dollars les 500 mots. Est-ce pour autant que la fin du journalisme est annoncée ? 

Certainement pas.

Avoir un style, trouver un ton, utiliser l’ironie, contextualiser par rapport à une période de l’histoire, être engagé, sont encore loin d’être à la portée des robots et des lignes de code. 

Bien que Narrative Science propose de personnaliser le ton et l’angle de ses articles automatiques, l’homme ne sait pas (encore?) coder quelque chose qui n’obéit pas à des règles fixes.

De plus, comme dit plus haut, les robots ne pourront pas effectuer d’enquêtes de terrain (bien que les chaînes TV commencent à envoyer des drones sur place…), d’analyses, ou faire des références à des événements historiques. Les journalistes qui possèdent une qualité d’écriture et un savoir-faire hors de portée des robots sauront tirer leur épingle du jeu. En outre, l’homme a encore la capacité de vérifier ses sources par d’autres moyens que des bases de données.

Kristian Hammond de Narrative Science prévoit que d’ici 2030, 90 % des articles de presse seront générés par des robots et que d’ici 5 ans, un ordinateur a des chances de gagner le prix Pulitzer. On prend les paris ?

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard

 

Nos élus sont-ils à la hauteur de nos espérances ?

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On ne peut parler de maturité citoyenne lorsqu’il y a une France à plusieurs facettes incontrôlables.

L’exceptionnelle réaction citoyenne du 11 janvier et des jours précédents, à Paris, dans toute la France et même dans le reste du monde, apporte un nouvel éclairage sur le rôle que peuvent jouer les citoyens dans une démocratie moderne. Bien que ce mouvement extraordinaire demeure encore largement à élucider, toutle monde a confusément conscience que, sur plusieurs plans, « rien ne sera plus comme avant ». Je délaisserai la signification la plus symbolique de ce mouvement, la réaffirmation forte des valeurs fondamentales de l'humanité Ets de la démocratie pour explorer un autre champs, délaissé par les commentateurs et les politiques, celui du rôle que devraient jouer les citoyens dans une démocratie moderne.

En France comme dans toutes les nations démocratiques modernes, la démocratie a adopté, dès le départ une forme représentative presque unique, depuis le parlementarisme britannique jusqu'au présidentialisme à l'américaine, incontournable, imitée, reprise par toutes les nouvelles démocraties issues de la décolonisation. En Europe et en Amérique, pendant tout le XIXe siècle, la représentation s'est limitée aux couches aisées de la population, aux hommes et parfois aux seules ethnies dominantes.

L'habitude a été prise de confier pendant la durée d'un mandat, la gestion des affaires communes à des politiciens, issus le plus souvent eux-mêmes des classes supérieures instruites qui définissent, en petits comités, avant les élections et en cours de mandat, les grands axes d'intervention et les mesures concrètes que les institutions peuvent appliquer. Le contrepouvoir est assuré, pour l'essentiel, par l'opposition, généralement parlementaire, qui critique publiquement et avancent parfois des contrepropositions.

La presse, si elle est aussi démocratique, peut également jouer son rôle de « quatrième pouvoir ». De temps en temps, certains citoyens descendent dans la rue pour exprimer plus directement et parfois violemment leur opposition à l’apolitique conduite ou, là encore, des revendications alternatives. Mais le mécanisme principal d'évaluation et éventuellement de sanction citoyenne a toujours été et demeure le vote de fin de mandat. Tous les quatre, cinq ou six ans, les citoyens reviennent dans le jeu démocratique et expriment à nouveau leur opinion. La plupart des politologues, des journalistes et des politiques me répondront : « Et alors ? »

Il n'aura pas échappé aux observateurs attentifs et doués d'un minimum d'esprit critique que, depuis quelques années et même à mon avis, depuis quelques décennies, ce modèle éprouve des difficultés croissante à représenter les aspirations des citoyens -qui sont sans doutes devenues de plus en plus difficiles à cerner et à satisfaire.

Il semble assez évident que, dans la plupart des pays d'ancienne démocratie, en Europe, en Amérique, principalement, un écart croissant, j'oserais même dire un fossé, s'est creusé entre une représentation politique de plus en plus technocratique, dépassée par les problèmes et par la démultiplication des contraintes de tous ordres et des citoyens de plus en plus insatisfaits et de plus en plus démotivés.

J'ose affirmer que nous sommes entrés, certes progressivement et peut-être insidieusement, depuis de nombreuses années, dans une crise de plus en plus aiguë, de la démocratie représentative qui, précisément, représente de moins en moins et de moins en moins bien, la diversité, la complexité des aspirations citoyennes.

Créer des « comités citoyens »

Des tentatives d'implication plus étroite des citoyens ont été mises en place, dans quelques pays dont la France, dans les plus grandes villes et dans quelques autres, parfois à l'échelle régionale, pour consulter plus régulièrement, les citoyens, pour les écouter et éventuellement les faires participer à la gestion des affaires communes. C'est le principe de la démocratie participative, expérimentée de manière ambitieuse dans certains pays, comme le Brésil et institué a minima, en France, à travers les Conseils de quartier depuis le début des années 2000.

Un bilan plus précis et plus nuancé de ces expériences mérite d'être tiré mais il semble, du moins en France, qu'un nombre assez limité de citoyens s'y investissent (par exemple, dans la ville de Lyon, le nombre de conseillers de quartier est passé de 9000 à 3000, de 2001 à 2012, pour une population de près de 500 000 habitants) et que peu d'élus osent s'aventurer dans une concertation authentique et à plus forte raison dans une association active avec les citoyens.

Pourtant, les conditions culturelles de l'exercice de la citoyenneté ont profondément évolué, non seulement dans les pays développés mais même dans certains pays dits « en développement ». Il me semble que les mentalités des citoyens sont irriguées par deux influences contradictoires. D'une part, la tendance à l'individualisme, au consumérisme qui poussent de nombreux citoyens, en particulier les plus jeunes, à se désintéresser des problèmes collectifs et donc à ne plus guère s'y investir et même à ne plus voter, ou alors àchoisir leur vote comme on choisit un produit dans un supermarché.

D'autre part, l'élévation considérable du niveau d'instruction, d'information donc de compréhension des problèmes qui, certes, ne sont pas proportionnelles et qui permettent à une part croissante de la population d'appréhender les problématiques politiques et éventuellement de formuler des propositions pertinentes. Le grand mouvement citoyen de janvier rappelle avec force qu'une partie significative des Français a la maturité et la capacité de s'investir dans les problèmes communs.

Comment avancer vers une telle perspective ? Il faut d'abord lancer un grand débat sur l'état de notre démocratie, en donnant la parole aux citoyens et en mettant les partis politiques devant leurs responsabilités, car ils ont beaucoup fait, par leurs pratiques douteuses, pour dégoûter les citoyens de la politique.

Ensuite, nous pourrions créer des « comités citoyens », dans les quartiers, dans les villes, dans les cantons ruraux pour débattre des nouvelles formes de démocratie à créer et, d'ores et déjà commencer à exercer ce nouveau pouvoir citoyen face aux élus locaux, à faire émerger des projets citoyens et à s'opposer aux mesures souvent technocratiques ou injustes des collectivités locales.

Il serait bon aussi, à la suite des événements tragiques de Paris, de prendre localement des initiatives pour favoriser, améliorer ou rétablir le vivre ensemble dans la tolérance et la diversité

 

Ecrit par : G. Vialy et J. Bayard